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Journal documentaire
25 août 2015

châtaigniers et serpents

SAM_0223

Hier matin je me suis forcé à rendre visite au petit bois de Volebière 2, dans lequel je n’avais pas mis les pieds de l’été, ni depuis je ne sais quand. Mon peu d’entrain à m’y rendre tient à ce que c’est la moins accessible de mes parcelles, car elle est enclavée au sein d’un massif, et que j’en avais un mauvais souvenir, depuis que les deux petites pousses de châtaignier que j’y avais plantées, ont été broutées l’été dernier par quelque herbivore navrant. Quelle n’a pas été ma surprise, en découvrant que ces deux plantes revivaient et survivaient, malgré les longues chaleurs et mon abandon. Elles avaient quelques feuilles, quatre l’une, l’autre six, c’est peu de chose, mais cette résurrection m’a enchanté. Et j’ai passé un bon moment à entasser du bois mort dans le coin nord-est, principalement des troncs de noisetiers à moitié pourris, et d’autres branchages tombés ou suspendus, qui encombraient la place.

Dans l’après-midi, tandis que j’élaguais un buis dans le jardin, je me suis aperçu que la chatte Minnie jouait avec quelque chose dans l’herbe, et j’ai tout de suite supposé qu’elle avait trouvé quelque proie, souris ou papillon. En m’approchant j’ai vu que c’était un petit serpent, qui se tenait immobile. J’ai éloigné la chatte et soulevé le serpentin en passant sous le milieu de son corps le manche de mon sécateur. Je suis allé le déposer d’abord dans une cuvette qui se trouvait là, puis, comme je craignais qu’il s’échappe, je l’ai mis dans un grand seau, dont il ne pourrait sortir, pensais-je. La rencontre et la capture de cet animal me posaient deux problèmes.

Le premier est que je ne savais pas l’identifier assurément. Ne s’agissant ni d’un orvet ni d’une vipère, ce ne pouvait être qu’une des six espèces de couleuvre que l’on trouve dans le quart sud-ouest du pays. C’était visiblement un jeune spécimen, au corps très fin, plus mince qu’un crayon, mais long de bien 30 centimètres. Mon hypothèse est que cette bête appartenait à l’espèce dite Couleuvre d’Esculape (Elaphe longissima ou Zamenis longissimus), dont il possédait la peau uniformément brun vert, mais pas tachetée comme le sont, selon mon guide, les jeunes individus. Sa tête émaillée de jaune clair faisait penser à celle d’une Couleuvre à collier, mais justement sans collier. Le point qui me décide le plus en faveur de la Couleuvre d’Esculape est cette qualification de «longuissime», correspondant bien à la silhouette que j’avais sous les yeux. Du reste j’avais déjà opté pour la même identification, quant à un serpent sur lequel nous étions tombés, avec mon aide de camp, une fois que nous visitions le bois de Volebière 1, à un ou deux kilomètres de là. Lisant maintenant la notice à son sujet, je remarque un trait de comportement que nous avions en effet observé : «Lorsqu’on l’approche, il tient souvent tête». Le serpent très mince et long, beaucoup plus grand que le serpentin du jardin, nous avait impressionnés par son attitude : tout en grimpant dans les branches d’un arbuste pour s’enfuir, il marquait des pauses et se tournait pour nous dévisager, comme par défi. Ce n’était pas le cas du petit prisonnier, qui faisait profil bas, et bougeait peu. Il ne paraissait pas blessé, mais il était sans doute épouvanté par la rencontre de la chatte, puis de l’homme (il ne pouvait pas deviner qu’il avait affaire à un gars raisonnable).

Le deuxième problème était : que faire maintenant de cet animal? Bien que ces serpents ne soient pas dangereux, je ne tiens pas à favoriser la coexistence de proximité avec eux, d’autant qu’ils pénètrent volontiers, paraît-il, dans les habitations. J’ai déjà suffisamment de bestioles indésirables qui prennent ma maison pour une terre d’asile, quand ce n’est mon propre corps pour une piste d’atterrissage. Je ne voulais donc pas le remettre en liberté dans le jardin, ni le tuer. Restait la solution de la déportation. Tout en priant pour que le petit serpent ne s’échappe effectivement pas du seau, que j’ai posé sur le siège passager de ma voiture, je l’ai conduit au bois de Volebière, où je l’ai relâché dans les caillasses de la lisière sud. Si ça se trouve, je le reverrai un jour.

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«Il est certain, et je parle sérieusement, que l'existence est un mal pour tous les éléments qui composent l'univers. (...) Il est évident que toutes choses souffrent nécessairement à leur manière et nécessairement ne sauraient jouir, car le plaisir, à strictement parler, n'existe pas. Cela étant, comment ne pas dire que l'existence est en soi un mal?<br /> <br /> (...)<br /> <br /> Entrez dans un jardin peuplé de plantes, d'herbes et de fleurs. Riant, tel que vous l'aimeriez. Dans la plus douce saison de l'année. Vous ne pourrez poser vos yeux nulle part sans y découvrir quelque tourment. Toutes ces familles de végétaux sont plus ou moins en état de souffrance. Ici, cette rose est blessée par le soleil, qui lui a donné la vie; elle se plisse, se languit, se fane. Là, ce lys est cruellement sucé par une abeille, en ses parties les plus sensibles et les plus vitales. Pour fabriquer le doux miel, les industrieuses, les patientes, les bonnes abeilles infligent d'indicibles tourments aux fibres les plus délicates, massacrent sans merci les plus tendres fleurs. Tel arbre est infesté par une fourmilière; tel autre par les chenilles, les mouches, les limaces, les moustiques; celui-ci, blessé dans son écorce, est tourmenté par l'air ou par le soleil qui pénètrent sa plaie; celui-là est meurtri au tronc ou aux racines; celui-ci a trop de feuilles mortes; chez celui-là, les fleurs sont rongées, mordues; chez tel autre, les fruits trop gâtés et piqués. Telle plante a trop chaud, telle autre trop froid; trop de lumière, trop d'ombre; trop d'humidité, trop de sécheresse. L'une pâtit, ne rencontrant autour d'elle qu'obstacles à sa croissance et à son développement; l'autre n'a rien où s'appuyer, ou s'épuise à chercher un soutien. Vous ne trouverez pas une seule plante en parfaite santé dans ce jardin. Ici, un rameau est rompu par le vent ou par son propre poids; là, une brise légère déchire une fleur et emporte un lambeau, un filament, une feuille, une partie vivante de telle ou telle plante, qu'elle mutile et lacère. Pendant ce temps, vous massacrez les herbes sous vos pas, vous les écrasez, vous les broyez, vous en faites jaillir le sang, vous les brisez, vous les tuez. Cette jeune fille, si sensible et si tendre, arrache et rompt doucement quelques tiges sur son passage. Le jardinier émonde et taille savamment des membres sensibles avec ses ongles et ses outils. (Bologne, 19 avril 1826.) Certes, ces plantes continuent à vivre; certaines parce que leurs blessures ne sont pas mortelles, d'autres, qui sont mortellement atteintes, parce que les plantes, comme les animaux, peuvent survivre ainsi quelque temps. En entrant dans ce jardin, le spectacle d’une telle abondance de vie nous réjouit l'âme et nous croyons y voir le séjour de la joie. Mais, en vérité, cette vie est triste et malheureuse; chaque jardin est pareil à un vaste hôpital (lieu bien plus déplorable qu'un cimetière) et si ces êtres sentent ou, si l'on préfère, sentaient, il est certain que pour eux le non-être serait de loin préférable à l'être. (Bologne, 22 avril 1826.)»<br /> <br /> Giacomo Leopardi, Zibaldone, 4175-4176.
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