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Journal documentaire
10 août 2015

l'été meurtrier

 

Carassius_auratus-1

Il y a quelques années (cela me surprend mais je n’ai gardé aucune trace de la date, ou je n’en retrouve pas), l’été, les fruits ont été particulièrement abondants. Et comme je n’avais pas élagué le prunier Pissard depuis longtemps, ses longues branches s’étendaient jusqu’au dessus du bassin, surchargées de prunes, qui régulièrement s’en détachaient pour tomber à l’eau. Ploc. Cela ne me plaisait pas beaucoup mais je ne m’en inquiétais pas plus que ça. Il faisait chaud. Le bassin, profond d’une quarantaine de centimètres, a perdu un quart, peut-être un tiers de son eau. Il y avait à l’époque une dizaine de «poissons rouges», c’est à dire de carassins, longs comme un doigt, dont certains vraiment rouges, ou orange, d’autres de leur couleur naturelle gris vert. L’un d’eux, entièrement décoloré, était d’un blanc vaguement teinté de rose. Il me répugnait. Si j’avais alors fait une rafle, pour éclaircir les rangs, en prenant quelques spécimens pour aller les lâcher à la rivière, comme il m’arrive tous les deux ou trois ans, j’aurais voulu que ce pâlot en fasse partie. Peu à peu l’eau s’est gâtée de plus en plus évidemment, à cause des prunes qui fermentaient dedans. Elle a pris des reflets huileux et il s’en dégageait une odeur d’égout. Un beau jour j’ai aperçu que deux poissons étaient morts et flottaient le ventre en l’air. En m’approchant, j’ai découvert qu’il y avait en fait quatre morts. Il fallait prendre des mesures. Contrairement à ma règle, qui est d’attendre autant que possible qu’un bon orage vienne remplir et renouveler le bassin, j’ai branché un tuyau d’arrosage et tiré de l’eau du robinet, pour faire remonter le niveau, pensant que cet apport suffirait à assainir la situation. C’était une illusion. Les jours suivants, les poissons ont continué de crever les uns après les autres, jusqu’à ce que je me décide à vider entièrement le bassin de son eau, de ses herbes, de ses habitants, de sa vase et de ses prunes pourries. Le seul carassin à survivre a été justement le blanc, qui du coup a gagné ma sympathie. Sa robustesse m'épatait. Depuis lors, le bassin s’est repeuplé. Dernièrement il y avait deux grands poissons d’une quinzaine de centimètres (ce même blanc et un jaune) et neuf plus petits, entièrement ou partiellement rouges. Avant-hier matin, quand je suis allé nourrir la tribu, le blanc n’était pas avec les autres. J’ai pensé qu’il n’était pas d’humeur et restait planqué parmi les plantes, comme il arrive. Mais quelques heures plus tard, en repassant dans le coin, je l’ai trouvé mort dans l’herbe, à deux mètres du bord. Que s’est-il passé? A-t-il sauté hors de l’eau? Cela n’est pas dans les habitudes des rougets, d’un naturel très calme. Un chat l’a-t-il chopé? Ce serait aussi inhabituel. Est-il mort dans l’eau, de sa belle mort, et un chat s’en est-il saisi alors? Je ne le saurai pas. En tout cas il a fini sa course et ça me contrarie, mais c’est ainsi. Et ce matin à six heures et demie, il y avait un petit lérot mort déposé sur le trottoir juste devant la porte de la maison. Là pas de doute, c’est la basse oeuvre d’un chat, probablement cette conne de Minnie elle-même. Quand j’ai rouvert la porte une heure après le cadavre avait disparu. Tant mieux. Il s’en passe et il s’en repasse, de ces petites horreurs, dans un jardin, surtout l’été.

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