Un alter ego
Dans la pelouse devant chez ma mère, il y a un arbre qui me plaît. C’est un genévrier d’une espèce particulière, probablement un genévrier de Virginie, au feuillage abondant, plus touffu que les genévriers classiques, avec lesquels il n’a de commun que la forme des petites baies. Je me souviens qu’avec les autres gamins des HLM, jadis, c’était un arbuste assez bas pour que nous sautions par-dessus. Il atteint maintenant la hauteur du deuxième étage, son épaisse ramure toujours verte abrite en toute saison une menue volaille. Les autres arbres de la cour qui survivent, quelques pruniers à feuilles pourpres et des catalpas, ont tous été taillés en têtard depuis le début. Le genévrier seul a grandi entier. J’ai réalisé récemment que l’arbuste de jadis devait être plus ou moins aussi jeune que l’enfant, qui le sautait d’un bond. Par conséquent il est le seul arbre de ma connaissance, dont je sache assurément qu’il a à peu près le même âge que moi. Il m’était déjà sympathique, cette considération me le rend plus cher, bien sûr, cela crée un lien en quelque sorte.