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Journal documentaire
19 novembre 2008

Lettre documentaire 441

POLYCARPE, L’HOMME AUX NOMBREUSES CARPES

par Crad Kilodney

carpeTout le monde ou presque meurt d’envie d’en savoir plus et toujours plus sur le singulier Polycarpe, martyr chrétien du IIe siècle, évêque de Smyrne, auteur du succès de librairie Lettre aux Philippiens, et bien sûr, l’Homme aux Nombreuses Carpes ! Son histoire est sans égale, et sera bientôt portée au grand écran dans une production hollywoodienne, interprétée par Tom Cruise !

Dans sa petite enfance, Polycarpe fut vendu comme esclave à une femme riche nommée Calisto, qui l’éleva comme son propre fils. Heureux et insouciant dans sa belle propriété de la cité de Smyrne (aujourd’hui Izmir, en Turquie), il n’aimait rien tant que d’aller pêcher des carpes dans la baie, sur la mer Egée. Il semblait avoir un talent magique pour les attirer. Elles lui sautaient littéralement dans les bras. Il les caressait, jouait avec elles, et les embrassait avant de les remettre à l’eau. Il affirmait être capable de communiquer avec elles.

Il y eut une carpe à laquelle il s’attacha spécialement, il la ramena à la maison et la prit avec lui dans son lit. Calisto l’avertit que le pauvre poisson mourrait, privé d’eau, mais miraculeusement ce ne fut pas le cas. Polycarpe installait le poisson dans un grand bassin pendant la journée, et dormait la nuit avec lui. On pense maintenant que cette carpe fut un intermédiaire divin, car à cette époque Polycarpe se mit à écrire des essais ésotériques sur Dieu, qui émerveillaient les anciens de l’église locale.

A la mort de Calisto, Polycarpe hérita de son domaine et fit bientôt vivre de nombreuses nouvelles carpes avec lui dans la maison. Les visiteurs étaient toujours surpris par la profusion de carpes sautillant sur le sol, et n’ayant besoin que de s’immerger de temps en temps dans les bassins installés pour leur confort.

Quand le pasteur de l’église locale mourut, Polycarpe fut invité à le remplacer. Il remplit bientôt l’église de charmants bas-reliefs et peintures représentant des carpes. Il se fit même faire un costume de carpe, qu’il portait pendant ses sermons. Ces sermons étaient extraordinaires : il approchait une ou plusieurs carpes de ses oreilles, puis traduisait à l’assemblée ce qu’elles disaient, formulant des pensées sublimes et de divins messages, tels que nul n’en avait jamais entendu. De pieux chrétiens accouraient en foule depuis fort loin pour entendre les paroles du saint homme, à qui la sagesse divine était transmise par ses carpes bénies. Comme de bien entendu, Polycarpe fut bientôt élevé au statut d’évêque.

Dans son œuvre principale, la Lettre aux Philippiens (dont les descendants peuplent maintenant les Philippines), Polycarpe écrivit gaiement sur l’amour de l’homme pour la carpe, et vice-versa, et sur la façon dont la carpe pouvait rapprocher l’homme de Dieu. Il encourageait les Philippiens, et les chrétiens en général, à aimer la carpe et à communier avec elle, aussi bien dans l’eau que dans la chambre à coucher. Cela conduisit à la création du Mouvement Carpiste et à la fondation du très secret Ordre des Nonnes Carpistes, qui avaient pour usage de dormir avec des carpes. (Le seul couvent de Nonnes Carpistes encore existant se trouve à Lebanon, dans le Kentucky, mais il est curieusement éloigné de toute pièce d’eau !)

A cette époque (le IIème siècle après J.-C.), l’Empire Romain était commandé par l’empereur Marc-Aurèle, qui persécutait les chrétiens. Marc-Aurèle ne prenait plus guère de nouvelles des chrétiens d’Asie Mineure depuis longtemps, mais il finit par entendre parler des exploits de Polycarpe, et il ordonna l’arrestation de l’évêque de Smyrne pour avoir contesté la suprématie des divinités romaines, et pour présomption de « relations non naturelles » avec ses carpes.

Polycarpe fut menacé d’être brûlé sur le bûcher, s’il ne renonçait à ses croyances, et s’il n’avouait que sa communication avec les carpes était une imposture. L’évêque, maintenant octogénaire, ne montra aucune crainte de l’exécution. Il proclama : «La carpe est le véritable poisson de Dieu, et je suis Son pêcheur élu». Il fut alors lié au poteau, et l’on alluma le feu. Le bûcher s’enflamma, mais sans brûler Polycarpe, car une miraculeuse pluie de carpes tomba du ciel, éteignant les flammes et jetant la confusion dans la foule ! Le capitaine des gardes, enragé par cette humiliation, ordonna à ses hommes d’exécuter Polycarpe avec leurs glaives, ce qu’ils firent, donnant ainsi à la chrétienté l’un de ses plus remarquables martyrs.

Aujourd’hui, l’influence de Polycarpe perdure. Au centre de la ville d’Izmir, on peut voir une belle statue de saint Polycarpe habillé en poisson, et serrant plusieurs carpes dans ses bras. Et dans toute la Turquie, malgré la prédominance musulmane, la carpe est considérée comme un poisson sacré, qu’il ne faut jamais manger.

Il n’existe pas moins de dix églises baptisées Saint-Polycarpe, en Asie Mineure et en Europe. L’Ecole de Filles Saint-Polycarpe de Blackburn, en Angleterre, est devenue légendaire pour ses réjouissances bruyantes – certains diraient shocking – du 23 février, jour de la Saint-Polycarpe. Et l’Hôpital Saint-Polycarpe de Bletchley, en Angleterre aussi, est réputé dans le monde entier pour ses traitements des troubles nerveux.

Le nom de Polycarpe a été adopté par dimportantes aussi bien que par de modestes entreprises, parmi lesquelles les Beignets Polycarpe, les Articles de Sport Polycarpe, les Assurances Incendie et Accidents Polycarpe, le Casino Polycarpe, Pétrole & Essence Polycarpe, Pizza Polycarpe, les Polymères Polycarpe, Propane Polycarpe, les Animaleries Polycarpe, l’Institut de Formation Professionnelle Polycarpe, Polycarpe Electronique Militaire, et les Vêtements pour Hommes Polycarpe.

Polycarpe vivra éternellement, et de même ses nombreux amis carpes ! Puissent-ils venir à nous, et trouver leur chemin de la mer à nos cœurs !

("Polycarp, man of many carps", extrait de New writings, 11 VI 2008, ici traduit par Philippe Billé)

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Commentaires
P
Soyez remercié de ces précisions, cher Docteur.
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D
L'histoire de Polycarpe est excellente.<br /> Je vous signale incidemment, pour faire un peu l'intéressant, ce personnage du brillant romancier Jean-Pierre Ohl : l'Ecossais Andrew Lockhart, au milieu du XVIe siècle, "fit creuser un bassin" pour y épouser "en secondes noces, à l'âge de quatre-vingt-douze ans, un thon blanc de cent cinquante livres" (Les maîtres de Glenmarkie, Gallimard, 2OO8)
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