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Journal documentaire
13 octobre 2008

Lettre documentaire 434

POURQUOI J’AIME LE TABAC

par Crad Kilodney

Le tabac est la meilleure plante que Dieu ait jamais créée sur terre. Nulle autre plante n’a donné autant de joie à autant de gens. Elle est aussi américaine que la tourte aux pommes et la fête de Thanksgiving. Le tabac, c’est le confort, le plaisir, la tradition et le raffinement. C’est un don de la nature.

Tout en écrivant ces mots, je savoure une pipe de Sail Green, un tabac populaire, bon marché, que je peux fumer tous les jours. Mais si vous voulez me faire un cadeau, offrez-moi du MacBaren’s Plum Cake ou du Latakia. Oui, je fume aussi le cigare. J’aime les bons cigares américains à prix modique, White Owls, Phillies, King Edwards, et Wolf Brothers Crooks (plongé dans le rhum ou trempé dans le vin, ou bien est-ce l’inverse ?).

J’ai commencé à fumer à 17 ans, alors que j’étais tout jeune étudiant à Ann Arbor, dans le Michigan, en 1965. Ma première pipe était une simple et robuste Comoy King’s Cross qui n’avait pas dû me coûter plus de 5 $. Une petit sachet de tabac à pipe coûtait alors moins de 50 cents. Vous pouviez avoir des cigares tout à fait corrects pour trois fois rien. Souvent le soir j’allais faire un tour au foyer des étudiants avec un voisin de cité et j’en achetais quelques uns.

Dans les années 60 c’était très cool, pour un étudiant, de fumer la pipe. Nous voulions tous avoir l’air plus malin que nous n’étions en réalité. Les pipes sentaient bon, et vous n’étiez pas obligé d’inhaler. En fait, je n’ai jamais inhalé la fumée depuis 36 ans que je fume. Mes poumons sont nets, mes radios le prouvent.

Dans les années 60, personne ne faisait d’histoires au sujet du tabac. Tabagisme passif ? Le terme n’avait même pas été inventé. Si la pièce était trop enfumée, on ouvrait une fenêtre. On ne m’a jamais dit que je ne pouvais pas fumer, chez qui que ce soit. Vous pouviez fumer au travail. Vous pouviez fumer en avion. Vous pouviez fumer dans certaines salles de cours. Il était permis de fumer à la bibliothèque universitaire du Michigan.

Lorsque j’étais enfant, les paquets de cigarettes me fascinaient. Nous en avions plusieurs, vides, qui traînaient. Personne ne s’en servait dans ma famille, mais je me suis mis à aimer ces jolis objets. De même que les briquets fantaisie, sans pierre ni essence, qui traînaient partout dans la maison. C’étaient des objets familiers qui décoraient. Les publicités pour les cigarettes à la télé étaient parmi mes préférées. Elles me manquent. Et il y avait des distributeurs automatiques de cigarettes partout. On pouvait choisir entre tant de marques ! Quand vous en aviez le courage, et que les adultes ne faisaient pas attention, vous glissiez nerveusement deux pièces dans la fente, tiriez sur la poignée, et repartiez à grands pas, le front en sueur.

Toutes ces choses étaient normales. Elles faisaient partie de l’American way of life.

Bien sûr, tout le monde savait que vous pouviez mourir de trop fumer. Notre prof de gym nous faisait la leçon à ce sujet. Mais qui a jamais été influencé par son professeur de gym au lycée ?

Mon père était un grand fumeur de Pall Mall et il est mort d’emphysème à 66 ans. C’était un fumeur invétéré. La peur de la maladie ne l’aurait jamais retenu de fumer. Il n’a arrêté que quand la pathologie s’est déclarée. Il ne lui serait jamais venu à l’esprit de porter plainte contre l’American Tobacco Company.

Je n’ai jamais inhalé la fumée d’une cigarette entière, mais j’en ai quand même fumé quelquefois. Quand j’ai découvert la tabac à rouler à Houston, au Texas, j’ai passé mes journées dans mon appartement à fumer du tabac Bugler jusqu’à m’en faire jaunir les doigts.

Dans ma carrière littéraire j’ai produit 32 livres et bien d’autres œuvres, qui n’auraient jamais vu le jour sans mes deux stimulants favoris – la caféine et le tabac. Tous les vrais écrivains fument. C’est mon avis et vous ne m’en ferez pas changer. Le tabac est le vice de l’homme qui pense. C’est un régulateur naturel de l’humeur : quand vous êtes surexcité, il vous calme ; quand vous êtes déprimé, il vous remonte.

Tant de grands hommes étaient fumeurs : le général George Patton, le général Douglas MacArthur, Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt, Albert Einstein. (Hitler, de son côté, ne fumait pas.)

Mon ancien patron à Exposition Press, Ed Uhlan, fumait des Kent à longueur de journée. Notre vice-président, Ben Paskoff, avait toujours la pipe aux lèvres. Je fumais toute la journée à mon bureau. C’est le meilleur endroit où j’aie travaillé, avec les gens les plus futés, les plus intéressants.

J’associe le tabac à la lecture et aux livres, en particulier aux vieux livres. Mon cœur bondit quand je vois dans de vieux films des pièces garnies d’étagères pleines de livres. Les honnêtes maisons avaient toujours des bureaux ou des bibliothèques, et les clubs masculins des fumoirs avec des fauteuils confortables. Voilà à quoi devait ressembler la vie d’un homme : assis dans un fauteuil, fumant la pipe, et savourant un bon livre. De tels lieux existent encore, mais il y en a de moins en moins.

Et même les hommes les plus humbles, n’importe où dans le monde occidental, se sont assis de part et d’autre d’un échiquier et se sont soufflé de la fumée dans la figure en méditant leurs prochains coups. Des couches sociales les plus basses aux plus hautes, le tabac s’est enraciné dans notre civilisation. Il fait partie de notre héritage.

Je sais que j’étais destiné à fumer parce que je suis sûr que j’ai fumé dans ma vie antérieure. J’ai dû posséder une belle salle de lecture tapissée de livres, bien fournie en cendriers et en briquets, avec une batterie d’une bonne douzaine de pipes. Je m’asseyais dans mon fauteuil préféré chaque soir, pour déguster une pipe et un beau vieux livre. Et si j’en avais le courage, j’attrapais un beau stylo à encre et du papier, et j’essayais d’écrire une histoire, un essai ou un poème. Mais je n’étais jamais satisfait du résultat. Alors je priais Dieu de m’accorder une autre vie sur terre, dans laquelle je pourrais mener la carrière littéraire que je souhaitais tant. En attendant, je me plongeais dans des livres aux épaisses couvertures reliées de toile, imprimés en typographie et illustrés d’élégantes gravures, préparant mon âme pour ma prochaine vie. Je pense que j’étais probablement un obscur professeur dans quelque université nordique, où les longs hivers neigeux étaient propices à de tranquilles soirées à la maison avec ma pipe et mes livres. Et chaque soir, avant d’aller se coucher, ma domestique, apercevant le trait de lumière sous la porte de ma bibliothèque, frappait, puis passait la tête. «Avez-vous besoin de quelque chose, professeur, avant que je me retire?»

« Non, merci, Martha», répondais-je, en soufflant un petit nuage de Latakia au-dessus des pages d’un roman particulièrement divertissant. «J’ai tout ce que je pourrais désirer.»

("Why I love tobacco" - Septembre 2001 - extrait de Dead Man Talking, ici traduit par Philippe Billé)

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