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Journal documentaire
22 août 2010

Sur les pensées du marquis de Maricá

maricaCet été j’ai enfin satisfait ma curiosité de lire les 4188 Máximas, pensamentos e reflexões du marquis de Maricá. J’en ai pris connaissance dans l’édition de 500 pages qu’en a donné le professeur Sousa da Silveira à Rio de Janeiro en 1958.

Je ne sais à peu près rien de la vie de Mariano José Pereira da Fonseca (Rio, 1773-1848), sinon qu’il fut emprisonné quelque temps pour avoir fréquenté l’académie du poète arcadien et libéral Silva Alvarenga, et qu’il reçut bien plus tard le titre de marquis de Maricá, fut ministre des finances de l’empereur Pedro II et sénateur.

La somme de ses pensées semble être sa principale œuvre littéraire. Elle est largement ignorée des lecteurs brésiliens d’aujourd’hui, et les rares à la connaître n’en font pas grand cas. On lui reproche sa platitude, indéniable parfois. Pour ma part je regrette la naïveté dont il fait preuve sur certaines questions, comme sa confiance en la protection divine (par exemple, pensée n° 1896) ou sa foi consolante dans la vie éternelle (1848). Enfin sa mentalité de vieux réac misanthrope (et quelque peu misogyne) ne contribue sans doute pas à le rendre populaire, mais lui attire ma sympathie. Cependant, tout en avouant le peu de goût pour la compagnie qu’il éprouvait dans ses vieilles années, il se voyait plutôt comme un philanthrope, puisqu’il considérait que «ceux qui résument en brèves sentences les grandes vérités» sont des «bienfaiteurs de l’humanité» (1637).

Les pensées de Maricá sont brèves, la plupart tiennent entre deux et quatre lignes. Elles sont numérotées, au moins dans l’édition que j’ai consultée. Dans cet ordre purement numérique et non t hématique, le marquis aborde sans cesse des sujets différents, ou revient sur ceux qu’il a déjà traités. Le recueil présente ainsi l’aspect d’un livre «concentrique» à la façon des Scolies de Dávila. Les deux réactionnaires désabusés présentent d’ailleurs quelque affinité, notable en général dans leur goût pour la «sagesse synthétique» des aphorismes (656) et en particulier dans certains thèmes, ainsi le sort des nations qui ont le gouvernement «qu’elles méritent» (233) ou l’éloge du sourire (4082), etc (178, 1512…).

Maricá ne traite que de vérités morales générales et intemporelles. De ce fait les noms de personnes qu’il cite se comptent sur les doigts de la main, je ne l’ai vu mentionner que Homère et Virgile (3073), Descartes (3960), Tibère (4000) et un certain Sturm (4143, probablement le pasteur allemand Christoph Christian Sturm, 1740-1786).

Le marquis observe un monde où s’affrontent vie et mort, plaisir et douleur, bien et mal, jugement et folie, jeunes et vieux, prodigues et avares, ignorants et savants, idiots et sages, riches et pauvres, loyaux et traîtres, niais et fourbes, fourbes et probes. Il explore parfois des thèmes plus inattendus chez un moraliste, comme le rêve (2293, 2328, 2414) ou les couleurs (2527, 2598, 3408). Il se révèle comme un homme pieux, mais ne se réfère guère à la religion chrétienne. On comprend à certains développements qu’il croyait en une sorte de «panthéisme» ou «déisme universel» (3065, 3324).

«Il appartient aux vieux de formuler des sentences morales…», note-t-il (2723) et ses pensées sont visiblement celles d’un homme âgé. La différence de caractère entre jeunes et vieux est un de ses thèmes de prédilection (et ce n’est pas toujours aux vieux qu’il accorde le beau rôle). Sa note la plus personnelle est peut-être celle où il évoque avec mélancolie sa déchéance physique, et avoue son impatience de disparaître (4077).

Il médite parfois sur sa propre écriture, évoquant par exemple ses apparentes contradictions (3917) ou révélant sa méthode : «Nombre de mes maximes, qui semblent peu intelligibles, s’expliquent par d’autres, qui leur servent de commentaire» (4070). De fait, certaines de ses pensées ne sont que le développement d’autres (par exemple, est pauvre qui veut, 277 & 3253) ou leur abréviation (sur ce dont on se plaint, 692 & 4142). Certaines sont la reprise d’une même idée sous un angle légèrement différent (sur la gravitation politique, 689 & 2422 ; sur la mort niveleuse, 3186 & 3474 ; sur la naissance et le mérite, 3597 & 3793) ou simplement dans d’autres termes (sur le mensonge et la politesse, 758 & 3209). Certaines images reviennent («l’archipel de la vie», 1735 & 2760). Tout cela donne par moments une impression de déjà lu et l’on se demande si certaines maximes ne sont pas en double, mais il n’en est rien. La variante la plus inutile, la plus proche du doublon que j'aie trouvée, ce sont les maximes 1988 & 4101, selon lesquelles «Un jeune imprudent est plus tolérable qu’un vieil impertinent», et dont les formulations sont quasiment identiques.

Le caractère peut-être exceptionnel du marquis de Maricá ne confirme pas l’image légendaire du Sud-Américain peu soucieux de ponctualité. Il déclare au contraire n’attendre aucune moralité de l’homme non ponctuel (3553), sans dire si c’est souvent le cas chez ses compatriotes. Mais il ne manque pas de flétrir ce trait de leurs mœurs nonchalantes : «Au Brésil, on ne peut pas prêter de livres : ceux qui les détiennent considèrent qu’on les leur a donnés» (4053). Et voilà que je me sens quelque peu brésilien moi-même, au moment de rendre son bon ouvrage, que je garderais bien par devers moi.

Je donne dans une Lettre documentaire (483) la traduction française d'un choix de ses maximes, que j'ai retenues pour leur fond ou leur tournure.

 

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Commentaires
E
Historiquement, le Marquis de Maricá est le philosophe le plus important du Brésil. Sénateur et Homme de confiance de l´Empereur, son rôle politique a été important et il fut l´un des principaux architectes du système politique brésilien. Depuis plus de 100 ans, il est victime de discrimination et de préjugés du système d´éducation brésilien. Il est important d´établir les raisons et le point d´origine de ces préjugés à son égard. Il faut faire une étude approfondie à ce sujet. En établissant le point d´origine exact de ces préjugés, nous pourrons corriger cette anomalie et éliminer ainsi la plus part des préjugés humains existants dans la plus part des pays du monde. C´est un travail à faire pour le bien de l´ensemble des brésiliens et de tous les peuples du monde.
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