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Journal documentaire
10 mai 2007

Circuit du livre

Je crois me souvenir que si j’ai possédé, dans ma jeunesse, les Flores sem fruto, du romantique Almeida Garrett, c’est parce que cette oeuvre avait figuré au programme d’une de mes années d’études, et que j’avais demandé à une condisciple, qui partait en vacances au Portugal, de m’en rapporter un exemplaire. Celui qu’elle me procura ne servit pas à grand chose, car il me semble que finalement nous n’étudiâmes pas ces poèmes, mais il ne manquait pas d’allure, et pour tout dire j’avais du mal à croire, bien qu’elle n’eût aucune raison de me mentir, qu’elle l’avait obtenu chez un bouquiniste pour aussi peu cher qu’elle me le revendit, c’est-à-dire trois fois rien. C’était une édition imprimée sur du papier médiocre, mais déjà centenaire, datant de 1874, et couverte d’une jolie demi-reliure de cuir bleu en parfait état, avec au dos le titre en lettres d’or. Il y avait aussi, collé à l’intérieur de la couverture, un bel ex-libris imprimé, «dos livros de João de Castro Osório», orné d’une étoile à cinq branches et portant une devise énigmatique, «Viver para não morrer, Morrer para mais viver» (Vivre pour ne pas mourir, Mourir pour vivre encore). En outre la page de garde portait aussi trois ex-libris manuscrits, de simples noms de personne, tracés en oblique, les deux d’aspect plus ancien à l’encre violette, le troisième à l’encre bleue. L’une des inscriptions violettes était au nom d’un certain Paulino de Oliveira. Dans les deux autres, je ne pouvais déchiffrer le prénom, mais je lisais distinctement «de Castro Osório», et je supposais que l’une de ces personnes était le João de l’étiquette imprimée (dont j’appris plus tard que c’était un historien de la littérature mort en 1970). En tout cas ces inscriptions attestaient de ce que le volume avait passé entre plusieurs mains avant de parvenir entre les miennes. Malgré ces particularités pittoresques, je ne me sentais pas très attaché à ce livre, qui fit partie de ceux que je remis dans une ou deux caisses, quelques années plus tard, au professeur A***, pour qu’il en fasse profiter la bibliothèque. Il fit aussi partie de ceux que cet homme, pour des raisons X, préféra conserver par devers lui, comme je devais le constater vingt ans plus tard, c’est-à-dire à l’automne dernier, quand je crus bien reconnaître l’ouvrage dans la bibliothèque du défunt professeur, où je venais faire des prélèvements au bénéfice de l’université. Ce livre était hier de nouveau dans mes mains. En le feuilletant j’ai découvert, au bas d’une des dernières pages, la marque du tampon dont je me servais dans les années 80, avec l’adresse de la boîte postale que je louais alors, ce qui m’a confirmé qu’il s’agissait bien de «mon» ancien exemplaire. Cette fois-ci je l’ai estampillé, traité, officiellement inscrit dans les collections de la république. On verra bien ce qu’elle en fait de mieux.

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