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Journal documentaire
2 juillet 2005

Dans mon expérience de lecteur, les oeuvres de

Dans mon expérience de lecteur, les oeuvres de Michel Ciry et de Jacques d'Arribehaude se trouvent en quelque sorte liées, parce que je les ai découvertes fortuitement la même année dernière, et que leurs destins ont de vagues points communs. Voilà deux Français contemporains, nés près de l'Atlantique (Ciry à La Baule en 1919, d'Arribehaude à Hasparren en 1925), auteurs principalement de journaux intimes teintés d'une certaine nostalgie conservatrice, et sur lesquels, peut-être pour cette même raison, les médias actuels observent un silence général. Là s'arrête sans doute la comparaison, le don Juan basque, sensuel et nonchalant, ressemblant assez peu à l'ascète vendéen irascible.
J'ai commencé de connaître l'oeuvre de Michel Ciry l'été dernier, par une trouvaille à la brocante d'Emmaüs. Sans rien savoir de l'auteur, j'emportai Le buisson ardent car il s'agissait d'un journal (de l'année 1970) et pour la bonne mine austère de sa couverture en carton bleu foncé de chez Plon. Cet achat de hasard me réservait de bonnes surprises, au premier rang desquelles les fréquentes fureurs que l'auteur laisse exploser en termes savoureux par quoi il flétrit nombre de ses contemporains, inconnus ou célèbres, notamment des artistes d'avant-garde, ses deux bêtes noires favorites étant Matisse et Messiaen, auxquels cependant il est loin de réserver l'exclusivité de ses colères. "Terrible menace sur l'Anjou: on annonce deux concerts Messiaen..." prévient-il en février. Plus tard, il précise qu'il n'entend dans certaines de ses oeuvres que des "trémoussages de brousse en rut", ou dans un choeur de Ohana une "brumeuse succession de jappements", et dans les compositions de Xénakis une "dégoulinade de morves". Telle pianiste lui paraît "sensible comme une plaque d'égout". Il s'emporte de voir à la télévision quelque "haineux crétin d'extrême gauche", tandis que la jeunesse est en proie au "rut socialo-intellectuel" et que les syndicalistes sont de "bas pirates assoiffés de butin". De célèbres peintures modernes sont à ses yeux "de la merde liquide, disons de la chiasse, et rien d'autre" et il sent venir avec appréhension "le moment où je ne me sentirai plus chez moi dans une église". La liste serait longue des invectives que Ciry distribue généreusement, dans un style très adjectivé, mais il sait aussi, à l'occasion, célébrer ce qui lui en paraît digne, comme "la belle agate débordante de tendresse" du regard de son chien, posant le museau sur l'épaule du maître pendant que celui-ci est au volant.
Personnage peu commun que Michel Ciry, artiste complet, un temps musicien avant de renoncer à la composition, graveur passé à la peinture, diariste assidû écrivant chaque année des centaines de pages, catholique fidèle, charitable mais intransigeant, misanthrope mondain, célibataire convaincu et sans attrait pour l'inversion. Dans un journal de ses débuts, Le temps des promesses (1942-1949), que j'ai eu l'occasion de parcourir cet hiver, il évoque quelquefois ce choix du célibat, déclarant qu'il ne s' "illusionne guère sur l'éventualité d'un épanouissement matrimonial", considérant qu' "il y a les amants et il y a les fils", parmi lesquels il se range pour se vouer à la compagnie de sa mère ("entente parfaite avec une mère exceptionnelle" ... "exceptionnelle entente qui règne entre Maman et moi..."). Ce volume comme les autres contenait déjà une belle galerie de portraits de personnages rencontrés, de Cocteau à Guitry, de Fargue à Léautaud.
En attendant d'explorer les deux volumes de Ciry que mon ami l'Inutile, si indispensable, m'a dégottés dans une solderie, je feuilletais récemment celui de 1989-90, intitulé Alceste avait raison, emprunté dans une bibliothèque pourtant littéraire, où il était pratiquement le seul titre disponible de cet écrivain. On s'amuse dès les premières pages: à la montagne, l'auteur croit voir une horrible sculpture de Tinguely, avant de réaliser que ce n'est qu'un modeste remonte-pente. J'ai retrouvé avec plaisir l'habituelle distribution de piques, lancées par exemple sur Michael Jackson "l'androgyne à bouclettes", Bram van Velde le "négligeable barbouilleur" ou Johnny Halliday le "brailleur fané", tout en constatant parfois mes désaccords, comme sur la "poule sans talent" Madonna, dont personnellement la voix de sirène m'a envoûté souvent. J'étais un peu surpris, à l'inverse, de constater chez l'exigeant Ciry une indulgence inattendue envers des vedettes comme Francis Huster, Pierre Bachelet ou Alain Delon, qui ne m'ont jamais attiré, mais c'est ainsi.
J'ai relevé ces deux indications qui éveillent la curiosité. Au 17 mars 90, il est dit que Banine, l'amie de Jünger, serait l'auteur d'une biographie de Ciry, alors inédite. Et au 27 octobre, Ciry mentionne une autobiographie s'étendant de sa naissance à sa majorité, dont je ne sais si elle est publiée.

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