maurras, cuisine, assiette

Ayant eu la curiosité de lire Maurras, voilà quelques années, j'avais constaté qu'il était tout simplement difficile de se procurer ses livres, qui n'étaient quasiment plus réédités. Cette lacune de l'édition a été comblée par la publication en 2018 d'une copieuse anthologie de ses oeuvres, L'avenir de l'intelligence et autres textes, dans la collection Bouquins de chez Robert Laffont. On a eu la bonté de m'offrir ce volume et je n'en ai pas fait grand chose. Je voulais de la lecture, en voilà trop, 1200 pages et du solide, je ne sais qu'en faire, n'ayant guère le temps ni l'énergie de me lancer à l'assaut d'un tel ensemble. J'ai promené le pavé quelque temps avec moi dans le bus cet hiver, je l'ai feuilleté en ne m'arrêtant qu'ici ou là, histoire de prendre connaissance. Les poésies sont ceux de ses textes qui me donnent le moins envie d'y revenir. Son enquête sur Les amants de Venise, la liaison Sand-Musset, m'intéresse. Je n'ai lu in extenso que les très savantes présentations : la préface générale de Jean-Christophe Buisson et les introductions de Martin Motte à chacune des parties thématiques : Autobiographie, Esthétique, Poésie, Politique, à quoi s'ajoute un Epilogue rassemblant des documents du procès. Les deux éditeurs exposent clairement les différents aspects de la pensée et de l'oeuvre de Maurras. J'ignorais qu'il avait d'abord été républicain et catholique, puis agnostique religieux et politique, avant de devenir monarchiste et athée. Je ne soupçonnais pas qu'il était très fermement favorable au droit d'avorter. Les commentaires ne nient pas son antisémitisme, d'ailleurs affiché, mais précisent sa nature d'antisémitisme culturel, ou national, et non racial, puisqu'il semble que Maurras dénonçait le racisme hitlérien et n'était pas hostile aux juifs patriotes. Le procès est très intéressant, je relirais volontiers les pages qui s'y rapportent. Un détail pittoresque : l'accusé n'avait pas tout pour me plaire, mais le vieillard de 76 ans, qui risque la peine de mort et a le culot de se présenter au tribunal avec la francisque à la boutonnière, ne manque pas d'allure. Je reviendrai à l'occasion faire un tour au Maurrassik Park.

L'autre jour j'ai réalisé une des meilleures soupes de ma carrière, en y mettant deux pommes de terre, une carotte, un bulbe de fenouil, une pomme, une échalote, une gousse d'ail, un cube et une poignée de coquillettes.

En regardant à contre-jour, pour vérifier sa netteté, une assiette en verre vert que j'étais en train d'essuyer, je m'aperçois qu'elle comporte sur un bord une minuscule inscription que je n'avais jamais remarquée. Ce sont trois mots superposés, dont je déchiffre les deux premiers : Arcoroc, France. Le troisième ne comporte que deux signes, qui semblent être des chiffres, peut-être 86. Il peut s'agir d'un simple code industriel, ou bien du millésime, pour 1986, ce qui serait une mention beaucoup plus rare que le nom de la marque et celui du pays. Cette découverte me plait, je ne regarderai plus cette assiette de la même façon.