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Journal documentaire
11 novembre 2018

aumônes

UnknownLes trois dernières fois où j'ai fait l'aumône d'un euro. 1) Il y a quelques mois, était-ce rue Saint-Rémi, en tout cas dans une rue piétonne près de Sainte-Cathe, à un guitariste que j'étais content de retrouver. Je l'avais déjà écouté une fois l'hiver dernier à Saint-Michel jouer deux trois morceaux, dont une remarquable interprétation du Entre dos aguas de Paco de Lucía. Il a l'habileté d'un virtuose et son ampli donne un bon son. Or voilà que dans la rue, comme je m'étais arrêté en attendant de voir ce qu'il allait jouer, il choisit encore cette oeuvre espagnole, qui doit être de ses favorites. C'était un plaisir. Cet homme est trop talentueux et de trop bonne humeur pour être à proprement parler mendiant, c'est plutôt un artiste de rue qui gagne sa vie ainsi, probablement bien. Je l'ai payé par gratitude, non par pitié. 2) Vers la rentrée, rue Porte-Dijeaux, près de Gambetta, à un homme d'un certain âge, peut-être du mien, assis au pied du mur, et qui ne mendiait pas vraiment, ne disant rien, n'ayant pas d'écriteau, juste un gobelet posé devant lui. Il regardait dans le vague et d'un air effaré, comme se demandant comment suis-je arrivé là, qui sont tous ces gens qui passent? Lui, me fendait le coeur, au contraire de la plupart des mendiants gémissants collants. 3) La veille de la Toussaint, sur le parking de Saige, à Pessac, où j'étais allé chercher des fleurs à cimetière. Un type lui aussi de mon âge, poivre et sel pas très net, vient me demander l'heure, il était midi et quart, puis si je n'avais pas deux euros, ou même un seul. J'ai dit que non, mais le temps d'acheter un sandwich à la boulangerie, le remords m'a pris et je suis allé retrouver le gars entre les voitures pour lui donner un euro. Ce n'était pas assez, il m'a à peine remercié et a demandé aussitôt si je n'en avais pas un deuxième. J'ai refusé, je n'étais pas assez sûr que je n'aidais pas une fripouille, je suis parti.

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Commentaires
P
Il y a parfois des coïncidences troublantes, que nous ne pouvons expliquer. Nous ne pouvons que les contempler, et c'est aussi bien ainsi. Merci de votre témoignage. Meilleures pensées à vous.
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A
Croyez-vous, monsieur Billé, aux synchronicités ?<br /> <br /> <br /> <br /> Le 4 novembre 2018 mon frère, José, s'est suicidé en se pendant (à Surin, petit village des Deux-Sèvres). Ce fut un choc car il n'avait jamais parlé de se suicider. De son vivant il aimait beaucoup Paco de Lucia (qui était d'Algéciras, la ville voisine de La Linea de la Concepcion, où mon frère et moi sommes nés). Aux funérailles de mon frère un des morceaux musicaux fut "Entre dos aguas". Après la mort nous sommes, peut-être, entre deux eaux...<br /> <br /> Je voulais tant dire à mon frère que nous l'aimions tous (sauf sa pétasse d'ex-épouse), mais ce n'était plus possible, et les mots me manquaient, alors que j'ai toujours su bien cohabiter avec eux. <br /> <br /> Je voulais mettre ne serait-ce qu'une phrase, un mot, dans son "espace souvenirs". Mais rien ne venait, mon esprit était dévoré par la douleur. <br /> <br /> Quelques jours après, dans la rue, il y avait un homme qui ressemblait à mon frère : même âge (54 ans), même physique (un Espagnol aux grands yeux intelligents ouverts sur quelque chose d'insaisissable et de tragique) qui, un gobelet devant lui, n'osait rien demander pour obtenir une aumône. Cet homme c'était comme si c'était mon frère demandant l'aumône depuis l'au-delà.<br /> <br /> C'était comme un appel auquel je ne répondais pas, tétanisée par la douleur.<br /> <br /> <br /> <br /> Je connaissais votre blog (sans y avoir jamais commenté, alors) et votre traduction de Crad Kilodney. Après le suicide de mon frère je n'étais pas revenue sur l'internet car ça me semblait vain. Pourquoi lire puisque je ne trouvais pas les mots pour l'âme de mon frère ? Curieusement un des premiers textes lus après son décès fut, le 15 décembre 2018, votre texte "Aumônes", et vos mots étaient mes mots.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce que vous racontiez se passait peu avant la Toussaint. Mon frère s'est suicidé peu après cette date. Le 11 novembre 2018, quand vous écriviez votre texte "Aumônes" mon frère était déjà mort. Mais peut-être était-il quelque part, entre deux eaux.<br /> <br /> J'ai volé vos mots parce qu'ils étaient ceux qu'il fallait que j'écrive à la mémoire de mon frère.<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.dansnoscoeurs.fr/jose-diaz/2560639
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