après coup
Quelques réflexions...
L'attentat contre Charlie-Hebdo a provoqué sans doute la plus formidable vague d'affolement collectif, depuis les élections de 2002. Le tourbillon a pris des proportions et a enflé jusqu'à la gigantesque messe «républicaine» de dimanche dans les rues du pays. Le mouvement m'était sympathique au départ mais avait à la fin quelque chose d'oppressant, l'omniprésence du slogan «Je suis Charlie» a tourné au bourrage de crâne.
On voit bien d'où vient la formule «Je suis Charlie», énième resucée d' «Ich bin ein Berliner» et autres «Nous sommes tous des juifs allemands». Mais j'aimerais savoir précisément qui, ce coup-ci, a eu l'idée, géniale à sa manière, de lancer la phrase. Quel carton! (PS. C'est le publicitaire Joachim Roncin, me dit-on. Sa carrière est assurée).
Une connaissance m'a dit qu'elle se demandait s'il ne fallait pas comprendre le slogan «Je suis Charlie» au sens du verbe suivre. Il y avait en effet comme un moutonnement.
Elle n'était sans doute pas si rude, l'époque où les libertaires disaient pis que pendre des flics, et traitaient allègrement les CRS de SS. Confrontés à un danger plus menaçant, ils trouvent maintenant la police plus aimable, à ce qu'il semble.
Certains déplorent que l'on parle surtout des victimes célèbres (les stars Cabu, Wolinski, etc) et trop peu des obscurs (les flics, les employés...). Or c'est regrettable mais la vie est ainsi et l'on n'y peut rien. Nous sommes inégaux en rayonnement : il y a les vedettes (y compris d'extrême gauche) et les autres.
C'est très bien, de défendre la liberté d'expression, mais je n'entends pas beaucoup d'experts examiner l'idée que s'en faisait au juste l'hebdomadaire qui par exemple a viré Siné comme un malpropre, en 2008.
«Nous vomissons sur tous ces gens qui, subitement, disent être nos amis» aurait déclaré le dessinateur Willem, avec son élégance habituelle. Beaucoup de manifestants doivent donc s'essuyer, s'ils étaient trois millions, alors que le journal ne tire qu'à 50.000 exemplaires. (Cela me fait d'autant moins regretter de ne m'être pas joint à la procession). Pour ma part, je répète qu'être solidaire sur le principe n'implique nullement d'être ami. C'est dur, de soutenir des cons.