sur le patriotisme
Je n'arrive pas bien à rester patriote. Du temps de ma jeunesse irrévérencieuse, j'avais évidemment le patriotisme en horreur, tout comme le bobo moyen d'aujourd'hui. Plus tard cependant je me suis rangé à une sorte de patriotisme minimal, vouant à mon pays la bienveillance naturelle que l'on a de même pour sa propre maison : il est assez normal de veiller à maintenir aussi vivable que possible le lieu où l'on vit, et envers lequel on a de ce fait une responsabilité particulière. Mais la patrie me paie assez mal de retour et me déçoit souvent. Franchement, un pays qui n'a rien trouvé d'autre que «Bison fûté» pour dénommer son service public d'information routière, ne m'inspire pas beaucoup d'estime, et ce n'est là qu'un mince grief au regard de ceux sur lesquels je ne m'étendrai pas pour l'instant. Le petit jeu d'esthète auquel je m'amuse depuis quelques années en photographiant des drapeaux tricolores ready-made, tient à la fois de la célébration et de la raillerie, car il traduit le mélange de mes sentiments, attachement et agacement. Quelques copains m'ont rejoint dans cette activité, en me fournissant leurs propres photos. Je leur suppose une inclination proche de la mienne, sans le savoir ni l'exiger, et je les remercie de leur contribution à ce divertissement.