Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal documentaire
14 février 2009

Lettre documentaire 451

BETE, STUPIDE, IDIOT

par Gabriel Girard

Ces trois épithètes attaquent l’esprit, et font entendre qu’on en manque presque dans tout ; avec cette différence, qu’on est bête par défaut d’intelligence, stupide par défaut de sentiment, idiot par défaut de connaissance.

C’est en vain qu’on fait des leçons à une bête ; la nature lui a refusé les moyens d’en profiter. Tous les soins des maîtres sont perdus auprès d’un stupide, s’ils ne trouvent le secret de lui donner de l’émulation et de le tirer de son assoupissement. Ce n’est qu’avec beaucoup de peine, qu’on peut venir à bout d’instruire un idiot ; il faut pour cet effet avoir l’art de rendre les idées sensibles, et savoir se proportionner à sa façon de penser, pour élever celle-ci jusqu’au niveau de celle qu’on veut lui inspirer.

Il y a des bêtes qui croient avoir de l’esprit ; leur conversation fait le supplice des personnes qui en ont véritablement ; et leur caractère va quelquefois jusqu’à être très incommode dans la société, surtout lorsqu’à la bêtise et à la vanité elles joignent encore le caprice : comment tenir contre des gens qui ne comprenant ni ce qu’on leur dit, ni ce qu’ils disent eux-mêmes, s’arrogent néanmoins une supériorité de génie, et qui bouffis d’amour-propre, débitent des sottises comme des maximes, et sont toujours prêts à se fâcher du moindre mot et à prendre une politesse pour une insulte ? Les stupides ne se piquent point d’esprit, et en cherchent encore moins chez les autres ; il ne faut pas non plus se piquer d’en avoir avec eux ; ils n’entrent pour rien dans la société, et leur compagnie ne nuit pas à qui cherche la solitude. Les idiots sont quelquefois frappés de traits d’esprit ; mais à leur manière, par une espèce d’éblouissement et de surprise, qu’ils témoignent d’une façon singulière, capable de réjouir ceux qui savent se faire des plaisirs de tout.

Extrait de : Synonymes françois, leurs différentes significations, et le choix qu'il en faut faire pour parler avec justesse. Par M. l'abbé Girard, de l’Académie françoise, et secrétaire-interprète du Roi. Troisieme édition. A Paris : Du fonds de la Veuve d'Houry, & se vend Chez Le Breton, imprimeur ordinaire du Roi ..., MDCCXLI (1741), pages 69-71.

Publicité
Publicité
Commentaires
F
Merveilleuse langue française !
Répondre
Journal documentaire
Publicité
Journal documentaire
Archives
Publicité