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Journal documentaire
3 janvier 2007

Collectionneur de collections

Ma meilleure révélation de lecture de ces derniers mois est sans aucun doute Le collectionneur de collections, de Henri Cueco (Seuil, Point-Virgule, 1995) (déjà évoqué dans cette chronique le 3 décembre dernier). Rarement un volume aussi mince m’aura donné autant de joies, chaque page est prodigue en grâces de style, en idées inattendues, en finesses d’observation, en aveux sympathiques. Henri Cueco, peintre corrézien d’origine espagnole, né en 1929, est par ailleurs connu pour sa participation à une émission d’humour sur France-Culture. Ce livre est une introspection, un autoportrait en collectionneur. L’auteur divise l’humanité «en deux catégories : les jeteurs et les gardeurs». Il fait bien sûr partie de ces derniers. Car s’il est en effet un collectionneur qui va se procurer des objets aux puces et ensuite les classe, il est avant tout un accumulateur qui ne jette rien («Je supporte mal qu’on jette…») (je suis sûr qu’il s’entendrait bien avec ma mère). On se fait une idée de l’ampleur du phénomène quand il indique qu’à l’occasion d’un déménagement, «dix camions sur dix-sept étaient consacrés à nos collections» (car sa femme aussi est de la partie) ou quand il relate la fois où, parti à la décharge pour y jeter un plein camion de caisses : «Avec mon frère, finalement, on a tout remis dans le camion, tout ramené à la maison, avec, en plus, tout le bazar qu’on avait récupéré sur place.» Ainsi collectionne-t-il, entre autres, les chaussures, les pierres («Pas toutes ni n’importe lesquelles. Seulement les pierres ordinaires.»), les bouts de ficelle, les pommes de terre (!), les noyaux, les éponges, les bouts de crayons, les copeaux de taille des crayons, les vignettes, les drapeaux, les chats, les maladies («mes œuvres douloureuses complètes»), etc. Cueco ne se contente pas d’accumuler et de collectionner les objets, il les dessine et les peint, le livre en montre quelques exemples. Curieusement les chapitres ne sont pas intitulés dans le corps de l’ouvrage, mais seulement dans la table des matières, ce qui est tout de même commode (le dernier chapitre étant une «Petite collection de remerciements»). Il y a çà et là des sentences énonçant des vérités générales : «Le tiroir, au fond, dans ses ombres, est plein de machins voués à l’oubli…»). J’aime les justes remarques sur ce que nous appelons «silence», qui n’est jamais le silence total, juste «l’absence de bruit notable». J’aime bien le caractère de cet «anarchiste, antimilitariste, sacrilège», qui se réfère gentiment au saint curé d’Ars. La confidence de ses manies m’amuse, par exemple celle d’écrire des cartes postales en recopiant le texte lu sur certaines de sa collection (du jour où il en découvre une portant la troublante signature Henri C, il envoie ce message, de n’importe où il se trouve dans le monde : «Un amical souvenir de La Bourboule», où il n’a jamais mis les pieds).

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Commentaires
P
Attention, je n'ai pas dit que c'était une émission d'humour réussie. Et ça fait longtemps que je n'écoute plus France-Cul qu'accidentellement, mais peu importe.
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L
De l'humour sur France-Culture ? Là j'avoue que vous piquez ma curiosité à vif ! Quel jour ? À quelle heure ?
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