Toise
Du temps de ma jeunesse, j’étais de taille moyenne. Aujourd’hui je suis un homme plutôt petit, en comparaison de beaucoup de jeunes gens. Non que la vieillesse m’ait déjà rabougri mais je vois bien, par exemple quand je traverse un troupeau d’étudiants, que souvent la nouvelle génération me dépasse bien d’une tête. C’est ainsi : s’il est un domaine où l’on ne peut certes pas déplorer que le niveau baisse, incontestablement c'est celui de la toise. D’après mes constatations, cette évidente poussée dans l’ordre physique n’est pas accompagnée d’un accroissement proportionnel de la puissance intellectuelle. Je me demande qu’en penser. Faut-il regretter que, dans l’ensemble, les hommes ne soient pas beaucoup plus malins qu’avant, ou au contraire s’en réjouir : quel enfer, pour nous autres d’âge mûr, si nous devions vivre entourés d’éminences grises, qui nous regarderaient de haut à tous les sens du terme !