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Journal documentaire
16 juin 2008

Lapaque en Amazonie

J’ai lu jusqu’aux trois quarts le Court voyage équinoxial : carnets brésiliens, de Sébastien Lapaque, dans la collection de poche de La Table Ronde (qui s’appelle «la petite vermillon» et non «la tablette rondelette») (2005 & 2008). C’est un long, à défaut de grand, reportage sur l’Amazonie, où le journaliste s’est promené aux frais du Figaro. Ce n'est pas que l'auteur n'ait rien à dire, mais il y a quand même des grands pans où ça sonne creux. Qui connaît quelque peu le sujet rigole dès l’Avertissement. Il ne suffit pas de faire des grands moulinets en alignant les noms de Zweig, Lévi-Strauss et Cendrars, pour avoir l’air sérieux, il faut aussi éviter de raconter des conneries. Dès la page 17, donc, Sébastien nous confie, le petit doigt en l’air : «Avec moi, je n’avais pas de camescope, plutôt quelques livres ; je perfectionnais mon portugais en lisant des poèmes de Fernando Pessõa...» A mon avis, il n’a pas dû beaucoup s’user les yeux sur le poète portugais, s’il n’a même pas remarqué que son nom ne prend pas d’accent : Pessoa (qui se prononce comme ça s’écrit, alors que Pessõa donnerait un hideux pesson-ha). Cela produit à peu près le bon effet d’un lusophone qui assurerait avoir perfectionné son français en lisant des poèmes de Hugho et des romans de Stendaille. Content de lui, Lagaffe Lapaque répète la même bourde au moins cinq fois par la suite. Il est vrai que dès les pages liminaires, il avait adressé des remerciements, entre autres, à certaine dame, «professeur de portugais d’un élève peu appliqué». Il faut sans doute ajouter que l’élève était myope et dur d’oreille, car l’ouvrage abonde en transcriptions fautives qui témoignent soit d’ignorance, soit d'incurie (p 59 em sim o pour em cima do, p 70 transamarguma pour transamargura, p 137 Emilio Goledi pour Goeldi, etc). A l’occasion l’auteur montre qu’il domine le vocabulaire portugais aussi bien que l’orthographe : qu’est-ce que cette «cathédrale de la Sé», p 74, alors que veut tout simplement dire «cathédrale» ? La documentation du bourlingueur est à l’avenant : le Brésil n’est pas un «pays onze fois grand comme la France» (p 56) mais seize fois, et j’ai des doutes sur le «palmier» de la p 110 où l’auteur voit un paresseux. Les opinions qui pointent de-ci de-là laissent également perplexe. Au bord de la Transamazonienne, p 41, Sébastien rencontre un gentil rural souriant, qui croupit dans la pauvreté «entouré de ses onze enfants» et d’une quantité non chiffrée de petits-enfants. On sent que le reporter a de la sympathie pour lui, et il ne se demande pas une seconde si cet abruti prolifique n’est pas quelque peu responsable de sa situation difficile. Visitant plus loin la Guyane française, envahie de clandestins brésiliens qui salopent à tours de bras les bois et les fleuves, Lapaque ne trouve aucun motif d’inquiétude : «Le département se brésilianise tendrement, sans lenteur. Il suffit de se promener dans certains quartiers de Cayenne, le samedi et le dimanche soir, pour le vérifier. La fête est d’autant plus belle qu’elle est brésilienne.» Etc. C'est insupportable.

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Commentaires
T
Je me doutais bien aussi...
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S
On ne peut que partager ta douleur (Cela dit, dans le Pantanal, j'ai jadis bel et bien vu une buflonne africaine et son petit, se baigner dans une mare en contrebas d'un chemin. Lorsque je me suis prudemment approché pour voir s'il elle pouvait donner de la mozzarelle, elle m'a regardé mauvais et j'ai détalé.)
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S
"Aussi loin qu’on voyage, on n’est jamais ailleurs qu’en soi-même." (Fernando Pessoa)
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X
Vous avez la dent plus dur que moi!
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