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Journal documentaire
9 novembre 2020

el comandante yankee

Unknown

Une fois n'est pas coutume, je viens de lire une bande dessinée, El comandante yankee, par Gani Jakupi (Aire Libre / Dupuis, 2019). Le titre est en espagnol mais le livre en français. Ce bel album retrace en deux cents et quelques pages les dernières années de la vie de William Alexander Morgan, un aventurier américain né en 1928, que son tempérament rebelle a poussé à participer à la révolution qui triompha à Cuba en 1959. Les scènes vont de la fin 1957, quand Morgan rejoint le Segundo Frente de la guérilla dans les montagnes de l'Escambray, à son exécution pour trahison en mars 1961. Ce front de l'Escambray était situé dans une région centrale de l'île, et au moment de la prise de pouvoir ses troupes pénétrèrent dans La Havane, au nord-ouest, avant celles de Castro venant de l'extrémité orientale. Ledit front était dirigé par un certain Eloy Gutiérrez Menoyo (1934-2012), fils d'exilés républicains espagnols, qui est un des personnages principaux du livre, où apparait également plusieurs fois un autre protagoniste non-natif de Cuba, le marxiste argentin fanatique Ernesto Guevara. Menoyo est sans conteste une personnalité intéressante. Idéaliste, il refusa d'obtenir un poste politique après la victoire et, de même que Morgan, il fut déçu par l'orientation communiste qu'allait bientôt prendre le régime castriste. Il entra dans l'opposition armée à la nouvelle tyrannie, se fit prendre, passa vingt-deux années en prison, et consacra le reste de sa vie à militer pour la démocratisation de Cuba. Pour le malheureux Morgan, l'aventure se termina plus abruptement. L'auteur insiste honnêtement sur le fait que son oeuvre n'est qu'un «roman graphique», dans lequel il s'est permis quelques accommodements avec la chronologie pour les besoins du récit, mais je crois qu'il faut saluer la valeur documentaire de son travail de scénariste. Il a consacré pas moins de douze ans à se renseigner sur l'histoire, non seulement en étudiant l'abondante littérature publiée, mais aussi en recueillant les témoignages des survivants qu'il a rencontrés et en rassemblant des manuscrits et des photos inédits. Son ouvrage comporte d'ailleurs en fin de volume une quinzaine de pages fournissant des notices biographiques, des photos et des références. Sur le plan des idées, on appréciera que l'auteur, insoumis au catéchisme politiquement correct qui sévit si souvent dans la bande dessinée, se permette de faire remarquer ce qui cloche dans le paradis socialiste. Je citerai par exemple ce dialogue entre Menoyo et Guevara : «Il parait que vous avez eu des ennuis dans la Sierra Maestra, mais les paysans de l'Escambray nous ont soutenus depuis le début. Il faudrait leur dire aujourd'hui qu'on va les dépouiller de leurs terres dès qu'on aura chassé le dictateur? - Ce n'est pas nécessaire de leur dire» (p 78) ou cet avertissement adressé à Morgan par un de ses hommes : «Les types qui sont venus proposer des classes d'alphabétisation aux ouvriers, en fait ils leur donnent des cours de marxisme» (p 176). Il y a aussi ce discours de Castro, en septembre 1960, appelant à l'implantation massive de «comités de défense révolutionnaires», en fait des comités de flicage idéologique entre voisins, «encore actifs aujourd'hui» d'après une note en bas de page. Je recommande ce livre agréable et instructif.

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