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Journal documentaire
14 octobre 2020

textes brefs : manciet et despentes

imagesJ'ai lu lentement et avec plaisir les deux minces volumes jumeaux de Bernard Manciet, longs chacun d'une centaine de pages, Jardins perdus et Les murmures du mal (Jardins perdus 2), parus à L'Escampette en 2005 et 2006, traduits de l'occitan le premier par Guy Latry, à qui je suis reconnaissant de me les avoir procurés, et le second par l'auteur lui-même. Ces textes brefs, tenant sur une à trois pages, ne sont pas des fictions mais rapportent des souvenirs d'anecdotes et d'incidents, parfois drôles, parfois tragiques, datant semble-t-il de l'enfance et de la jeunesse de l'auteur, avec pour cadre son milieu familial, son voisinage, et plus largement ses Landes natales. Quelques rares histoires se déroulent dans le Bordelais, au moins une à Paris. Manciet a parfois une déclaration brusquement pompeuse, ainsi à la fin du premier recueil l'expression de sa haine furieuse contre l'occupant allemand (qui l'avait dérangé alors qu'il se baignait dans une rivière, ce qui n'est tout de même pas un terrible crime contre l'humanité) ou dans le premier texte du second, conclu par un solennel «La pauvreté ne se dit pas» (affirmation discutable, et sonnant drôlement chez quelqu'un qui n'était tout de même pas misérable). Dans l'ensemble cependant c'est avec bonhomie, sur un ton sans façons, tantôt grave et tantôt malicieux que l'auteur égrène ces scènes de la vie provinciale de jadis, imprégnée de religion, avec ses rudesses et ses ridicules, ses charmes et ses drames. La narration prend parfois un tour inattendu, ainsi dans «La suspension», que l'on pourrait qualifier de poème en prose impressionniste. J'ai remarqué ici et là la belle tournure «vieux (ou vieilles) comme les chemins». La brutalité de la vie rurale apparaît à certains détails comme celui-ci dans «Le rat de ma tante» : «C'est moi qui avais la charge de noyer les rats, prisonniers dans la nasse. Je les plongeais lentement dans le ruisseau». Je suis confronté au même problème, quand je prends des rats et plus souvent des lérots à la nasse, mais avec ma sensibilité d'écolo d'aujourd'hui, je me donne la peine d'aller les relâcher en forêt. Une des histoires («Le soir au presbytère») se déroule à Gradignan, qui est ma résidence actuelle. Je ne connais pas le bâtiment en question, mais un peu la volaille sonore qui l'entoure (le «Magnificat» du rossignol, puis «l'heure frémissante des engoulevents»). Je peux témoigner qu'il n'est nul besoin d'être landais pour goûter ces histoires.

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Je n'ai pas tant apprécié Mordre au travers, un recueil de onze nouvelles de Virginie Despentes paru en 1999, trouvé l'autre jour dans une boite. La célébrité de l'auteur m'incitait à lire ce livre. Les textes retiennent l'attention parce qu'il s'agit de ce qu'on appelle familièrement des histoires de cul. La première («Je te veux pour moi») est assez bien tournée, raison sans doute de sa place dans le volume. La plupart des autres, je n'ai pas eu la patience de les lire jusqu'au bout. Ce n'est pas mal écrit, le texte est même d'une clarté appréciable. On y use pas mal d'argot, ce qui n'est jamais indispensable, mais ne nuit pas non plus forcément. Les passages les moins réussis m'ont paru ceux où l'auteur affecte de faire littéraire en écrivant bizarrement, par exemple en omettant certains mots, ce qui rend les phrases bancales. Dans l'histoire «Blue eyed devil», où un terroriste arabe s'apprête à faire péter une bombe dans un centre commercial, il me semble que le récit tend à expliquer l'acte par le ressentiment de l'opprimé blablabla, ce qui ne me convainc pas. Je n'aime pas l'esprit de ces histoires, qui la plupart mettent en scène des actions cruelles se déroulant dans un milieu social déclassé, marqué par la drogue, parfois la perversion ou la prostitution. Par comparaison un Bukowski, lui aussi très complaisant vis-à-vis du vice et des bas-fonds, n'avait pas du tout cet esprit de pleurnicherie hargneuse.

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