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Journal documentaire
19 juin 2019

fumaroli, gracian, debord

A42132

J'étais intrigué de ce qu'il existe en version espagnole un livre de Marc Fumaroli consacré à Gracián (La extraordinaria difusión del arte de la prudencia en Europa : el Oráculo manual de Baltasar Gracián entre los siglos XVII y XX, paru cette année à Barcelone chez Acantilado), livre dont je ne trouvais pas trace d'une édition originale française, puis j'ai fini par réaliser qu'il s'agit en fait de la traduction plus ou moins complète du long essai publié par Fumaroli en introduction à  une réédition de L'homme de cour de Gracián, parue en Folio chez Gallimard en 2010. J'ai parcouru ce bel essai, brillant d'érudition à chaque page, consacré au recueil de trois cents maximes que Baltasar Gracián, jésuite indocile, avait fait paraître à Huesca en Aragon, sous le titre Oráculo manual y arte de prudencia, en 1647. En 1684, soit trente-sept ans après l'édition originale et onze ans après la mort de l'auteur (1601-1658), l'ouvrage fut traduit en français par un certain Nicolas Amelot de la Houssaie avec pour titre L'homme de cour. Cette version française connut un tel succès dans toute l'Europe, qu'elle fut constamment rééditée jusqu'au début du XIXe siècle, et que plusieurs traductions dans d'autres langues furent faites d'après elle et non d'après le texte original espagnol. Les éditions françaises se sont ensuite singulièrement espacées, puisqu'il n'y en a plus eu entre 1808 et 1924, cette fois-ci chez Grasset, puis entre 1924 et 1971, cette fois-là aux éditions Champ Libre dirigées par Gérard Lebovici. A ce sujet une phrase de Fumaroli page 199 comporte deux inexactitudes : «L'inspiration avait été donnée à l'éditeur par son maître à penser, Guy Debord, qui citait en épigraphe de La société du spectacle, publié chez Champ Libre en 1967, un aphorisme de L'homme de cour...» Certes Debord était devenu l'éminence grise, voire le gourou qui hypnotisait son mécène Lebovici, mais c'est chez Buchet/Chastel que La société du spectacle avait paru en 1967, avant d'être reprise chez Champ Libre en 1971 seulement, et l'épigraphe de Gracián, tirée de L'homme de cour, ne figurait qu'en tête du chapitre VI («Nous n'avons rien à nous que le temps, dont jouissent ceux-mêmes qui n'ont point de demeure»). Debord passa beaucoup de temps en Italie et fut grand ami du polémiste Gianfranco Sanguinetti entre 1969, année de création de la section italienne de l'Internationale situationniste, et 1976, année de la rupture entre eux deux. Fumaroli se demande si ce peut être Sanguinetti, qui fit connaître Gracián à Debord (p 201). Il faudrait pour cela que les deux hommes se soient connus avant 1967. Il y aurait moyen de vérifier ce point en regardant dans la Correspondance de Debord de quand datent leurs premiers échanges, mais je ne peux en disposer maintenant. Quelqu'un de mieux équipé me dira peut-être ce qu'il en est. (PS. Pascal Zamor me dit que Sanguinetti n'apparaît pas dans la correspondance de Debord jusqu'à fin 68.)

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