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Journal documentaire
20 novembre 2018

gilets jaunes

SAM_0505

Contrairement à mes habitudes j'ai participé à une manifestation, celle dite des Gilets jaunes, samedi dernier le 17.

La dernière fois remontait à peut-être un quart de siècle. J'étais allé manifester contre les essais nucléaires dans le Pacifique, sous Chirac. Quand des personnes avaient commencé à s'allonger par terre pour symboliser je ne sais plus quoi, j'avais pris la fuite en rasant les murs, espérant que nul ne m'avait vu approcher ce cirque.

Cette fois-ci j'avais décidé d'accompagner, sans y être poussé, une rebelle de ma connaissance. J'étais attiré en partie par la curiosité sociologique, en partie par la conviction politique, sans adhérer à la totalité des revendications du mouvement. Par exemple il me semble hors de propos de réclamer la démission d'un président légitimement élu, avec d'ailleurs l'appui d'une bonne part de la gauche, et élu pour cinq ans, pas pour trois semaines, comme tout électeur devrait savoir. Il me semblait par contre légitime de râler contre un racket fiscal d'autant plus pénible qu'il est mené par les piètres guides, qui donnent chaque jour des exemples du luxe et de la gabegie. J'avais l'intention de gêner le moins possible la circulation, le droit de circulation étant à mes yeux au moins aussi important que celui de manifestation.

Au point de rendez-vous place de la République il y avait certes une foule mais pas énorme, et que je suis bien incapable de quantifier, peut-être deux ou trois cents personnes. Mais je saurais décrire le périmètre qu'elle occupait. Une foule comprenant moins d'émigrés visibles que la foule moyenne du centre-ville, et plus de personnes âgées ou d'âge moyen que de jeunes gens, lesquels n'étaient cependant pas rares. Des gens du peup, certainement, des gens simples, et parmi lesquels je ne connaissais personne. Il y avait un seul leader évident, un jeune homme détenant le seul micro (qui était-il? d'où sortait-il? je ne l'ai su) flanqué d'un compagnon qui portait un mauvais haut-parleur, de sorte qu'il fallait se tenir assez près pour entendre ce qu'il disait. Je n'en ai d'ailleurs à peu près rien entendu sauf quand je m'en suis approché, peu avant la mise en marche. Il a entonné un couplet de la Marseillaise qui a été largement repris, puis a voulu chanter l'Internationale, signe probable qu'il était de gauche, mais des huées l'ont interrompu aussitôt. J'ai vu un homme d'un certain âge s'écrier trois ou quatre fois Vive Macron. Ce protestataire contre la protestation m'a amusé par son culot, mais personne ne lui a prêté attention.

Le cortège est parti par le cours d'Albret puis le cours Aristide Briand. A un moment une dame d'Attac m'a remis discrètement un petit tract, pas plus grand que la main, pour ainsi dire sous le manteau, gênée sans doute de trahir en cela le caractère non partisan de la manif. Je n'ai pas voulu l'embarrasser en lui disant ce que je pensais de sa secte, et d'ailleurs j'étais bien aise de posséder ce papier, dont un côté figurait un billet fictif de cent milliards d'euros. Car il se trouve que j'aime bien l'esthétique des billets, même faux.

Il y eut un temps d'arrêt et de flottement à la place de la Victoire, où quelques ultras, en particulier une jeune femme très énervée, voulurent entraîner la procession dans la rue Sainte-Catherine, mais le meneur eut la sagesse de se ranger au parcours prévu, qui était de prendre le cours Pasteur puis de descendre le cours Victor Hugo, et tout le monde le suivit comme le joueur de flûte de Hamelin. L'atmosphère était comme on dit bon enfant, sans violence, pas trop bruyante. Les slogans n'étaient pas très malins, mais on ne pouvait s'attendre à mieux, car par une loi générale, la finesse et les manifs se repoussent mécaniquement. Je n'en ai scandé aucun, la scansion m'étant impossible, pour des raisons éthiques et esthétiques. "Tous ensemble, Tous ensemble," non, pitié.

Cependant le cortège n'arrêtait pas de grossir dans des proportions inattendues, rejoint sans cesse, j'imagine, par des retardataires ou des ralliés. En marchant nous avions rattrapé d'abord les premiers rangs, mais arrivés sur les quais, nous nous arrêtâmes pour regarder un peu le défilé et juger de sa dimension. C'était surprenant, le flot humain débouchant au bas du cours Victor Hugo n'en finissait pas. C'était un spectacle peu commun, que cette multitude de gilets jaune fluo. Pour ma part, j'étais assez content d'utiliser pour la première fois celui que la loi m'a obligé de posséder depuis des années, et qui n'avait jamais servi.

Le parcours suivait ensuite les quais en direction du Nord et nous l'accompagnâmes jusqu'aux Chartrons où, après deux heures de marche, nous désertâmes.

Dans l'après-midi nous avons pris connaissance des très décevants comptes rendus donnés par la médiaterie. Rance-Info et BFM passaient en boucle des séquences où elles avaient choisi de ne montrer que des groupes clairsemés ne ressemblant guère à la masse que nous avions eue sous les yeux. Concernant Bordeaux, le chiffre de 1500 participants, avancé je ne sais plus où, paraissait très en dessous de la réalité.

Le soir, nos affaires nous ayant conduits vers les quartiers Nord, nous avons vu qu'un groupe de manifestants était encore là et barrait aux voitures l'accès du pont Chaban aux quais. C'était à mes yeux un triste spectacle. Cela ressemblait plus au plan classique des imbéciles s'autorisant à faire chier des innocents en leur infligeant des malveillances qui ne nuisent aucunement aux vrais responsables de leurs problèmes. Cela tournait mal.

(En photo : au tournant des cours Pasteur et V Hugo).

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