voyage aux pôles, 8

En repartant de Cherbourg nous tombâmes sur une demi-douzaine de boulangeries fermées, pour congé ou définitivement, avant d'en trouver une providentielle, où l'on vendait bon marché de belles parts de quiche et des gâteaux. A midi nous fîmes halte au cap de Carteret, où je pris mon seul véritable bain de mer, pendant un quart d'heure, dans une eau froide mais vivable et calme, puis nous dévorâmes nos tartes. On apercevait au large une île, qui pouvait être Jersey. Dans l'après-midi, comme je cherchais à boire un café, nous nous arrêtâmes à Gouville sur Mer, et je peux avertir les voyageurs que c'est un trou sans intérêt. Nous nous aventurâmes aussi un moment dans la ville basse de Granville, qui ne m'a pas fait grand effet. En suivant la route de la côte, dans le bas du Cotentin, nous eûmes quelques belles vues sur la mer, avec le mont Saint-Michel. Il y a notamment vers Champeaux un petit parking tout simple, où l'on se gare face à la mer, et qui était presque désert. Dans une voiture un vieil homme seul, sosie de Franco, se tenait immobile au volant et regardait droit devant lui, comme absorbé par le spectacle du mont. Dieu sait ce qu'il en pensait. On le voit encore depuis Genêts, et d'autres endroits. Nous avions réservé ce soir-là dans le centre d'Avranches, où nous débarquâmes en fin d'après-midi. La patronne du Patton avait une voix sonore, qui tonnait comme un char d'assaut. Mais enfin nous survécûmes. Nous dînâmes paisiblement de jambon braisé, sur la place Littré, dans les derniers rayons du soleil.