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Journal documentaire
13 octobre 2015

millions de vipères

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J’ai rouvert le recueil de Horacio Quiroga De la vida de nuestros animales (Montevideo, 1977) qui rassemble une série d’articles, pour la plupart parus en 1925 et portant sur des sujets animaliers. Je voulais relire en particulier certains portraits, dont mes préférés sont celui du «monstre» cuendú (un porc-épic capturé par un voisin, et que l’auteur entretient quelques jours chez lui) et celui du coati (qui dort volontiers dans les bras de son maître, mais d’un oeil seulement, tandis que ses petites pattes s’emploient à lui fouiller les poches). Je me suis attardé sur les considérations chiffrées du texte intitulé «Los catorce millones de víboras del señor Casado» (les quatorze millions de vipères de monsieur Casado). Comme dans beaucoup de ses articles, Quiroga se contente d’y réunir en vrac quelques anecdotes, souvenirs, et autres données, avant de conclure plus ou moins abruptement. Ce texte de quatre pages s’ouvre sur l’évocation d’un modeste cimetière du voisinage, où sont enterrées dix-sept personnes, dont quinze victimes de morsures de serpents. Un peu plus loin se tient le développement, d’une douzaine de lignes à peine, qui justifie le titre. L’auteur explique d’abord que l’on trouve en moyenne trois «vipères» (des vipères américaines, c’est à dire des crotales) dans chaque hectare de forêt, dont un serpent à sonnette et deux d’espèces sans bruiteur. D’où il s’ensuit que dans une seule «lieue de bois» (laquelle compte, nous dit-il, 2500 hectares) il y a entre 7000 et 8000 serpents venimeux (idéalement 3 x 2500 = 7500). Ce que l’auteur appelle une «legua de bosque», c’est je suppose une lieue carrée, soit par exemple un carré d’une lieue de côté. Je fais le calcul : si un hectare est, pour simplifier, un carré de 100 mètres sur 100, et s’il y a donc dans un kilomètre carré 10 x 10 = 100 hectares, alors une surface de 2500 hectares équivaut à 25 kilomètres carrés, soit un carré de cinq kilomètres de côté. La lieue de Quiroga est donc une lieue de cinq kilomètres, ce qui est en effet la taille moyenne de cette unité de mesure très fluctuante, variant selon le pays et l’époque. Or un certain Carlos Casado ne possédait pas moins de 2000 lieues de terre, nous indique l’auteur, qui ne donne par ailleurs aucune autre information sur ce monsieur. De sorte que le riche propriétaire se trouvait également en possession de quatorze millions de vipères. Si l’on poursuit le calcul idéal, il devrait même y avoir 7500 x 2000 = quinze millions de vipères, mais je soupçonne l’écrivain d’avoir choisi quatorze pour la sonorité plus frappante. Ce sont là beaucoup de bestioles, mais il est vrai qu’une propriété de 2000 lieues couvre donc la bagatelle de cinq millions d’hectares, et correspond à un rectangle de 40 x 50 lieues, soit 200 x 250 kilomètres, ce qui fait plus qu’il n’est décent pour un seul homme.

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Commentaires
D
Quatorze symbolise aussi l'infini, c'est ce que dit Borges il me semble dans l'une de ses nouvelles...
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