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Journal documentaire
3 juin 2015

sur joan cornellà

 

moxnoxQue penser des dessins de Joan Cornellà? J’en ai vu d’abord sur la toile, et je viens d’examiner son album Mox Nox, paru aux Bang Ediciones, de Barcelone, en juillet 2013 (et qui en était à son cinquième retirage en juin 2014). Cet ouvrage présente quelques traits éditoriaux atypiques : les pages ne sont pas numérotées (il y en a une cinquantaine), il n’y a pas de page de titre, le titre et le nom de l’auteur n’apparaissent qu’au dos de la couverture et sur le bandeau amovible. Personnellement je ne raffole pas de ces coquetteries, mais là n’est pas l’essentiel. Les planches sont pour la plupart des historiettes en six images, parfois seulement quatre ou cinq, et plus rarement un seul dessin en pleine page. Ce sont des histoires sans paroles, dont l’action se déduit du simple enchaînement des images. Le sens n’apparaît pas toujours au premier coup d’oeil, et certaines planches se présentent d’abord au «lecteur» comme une énigme à résoudre. Les personnages mis en scène sont quelquefois des créatures étranges, mais le plus souvent de banals quidams, qui s’observent, se heurtent, s’attirent ou se repoussent, se suicident, s’entretuent, se mutilent volontiers, comme si de rien n’était. Les actes sont régis par une sorte de logique absurde (par exemple un homme se coupe instantanément une jambe pour en faire un projectile qu’il lance sur un agresseur qui s’échappe). L’absurdité des comportements et la cruauté fréquente contrastent avec la plastique des dessins, qui ne tendent pas à la virtuosité, mais au contraire évoquent l’imagerie convenue des albums pour enfants, à traits épais et couleurs posées par aplats. Le sourire figé qu’arborent le plus souvent les personnages, pourrait être interprété comme une parodie, et donc une critique, du discours publicitaire, qui affiche une bonne humeur artificielle omniprésente, mais cela n’est pas sûr. A première vue, je ne distingue pas de message politique ou idéologique dans les historiettes de Joan Cornellà. Son goût des scènes choquantes, qui souvent mettent le spectateur mal à l’aise, me semble plutôt répondre au plaisir de s’amuser avec le sens et le non-sens. Si ses histoires dénoncent quelque chose, ce peut être plus généralement le non-sens de la vie, de notre condition de mortels. J’interprète ainsi la signification du titre, Mox Nox, ce qui, si je ne me trompe, signifie en latin «Bientôt la Nuit», c’est à dire bientôt le néant de la mort, qui nous attend tous. A cet égard je trouve particulièrement significative une peinture vue ailleurs que dans ce livre, figurant une sorte d’ourson enfantin joufflu, entouré de coeurs et de petits nuages, et tendant le bras en un geste enthousiaste, tandis qu’au bas de l’image s’étale la phrase «we’re all gonna die» (nous allons tous mourir). Ce qui transparaît, dans ces petites bandes dessinées d’allure enjouée, où sévit une cruauté souriante, c'est peut-être un radical désespoir.

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Commentaires
K
merci pour la découverte
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