archives du nord
J'ai lu dernièrement, et à peu près entièrement, les Archives du Nord, de Marguerite Yourcenar (Gallimard, 1977). Elle y évoque l'histoire de sa famille paternelle en partant du plus loin, brossant même, dans le premier chapitre, un tableau saisissant de ce qu'a pu être son pays, grosso modo la Flandre française, dans «la nuit des temps», de la préhistoire au Moyen Age. (Une réflexion qu'elle fait page 22 est pour moi l'occasion d'aller découvrir sur le net le visage protohistorique remarquablement conservé de l'homme de Tollund (mal écrit Tollsund dans le livre)). Quelques passages m'ont lassé, il m'en faut peu, mais le plus souvent je me suis laissé captiver par le talent de la narratrice, l'élégance de son style, la profondeur de ses vues. J'ai aimé certaines de ses réflexions sociales, comme ses considérations sur «l'immense anonymat paysan» (165) dont le tout monde procède plus ou moins lointainement, la «paysannerie anonyme» (314) où retombèrent aussi les moins doués des nobles ou les moins chanceux. Peut-être parce que je n'ai pas connu ses parents en personne, ou simplement parce que nous n'avons pas les mêmes idées, je n'arrive pas à partager son admiration évidente pour son père aventurier prodigue, joueur compulsif qui a dispersé la fortune familiale jusqu'à la ruine, dans tous les casinos d'Europe et à toutes les tables possibles. Mais j'ai aimé ce livre.