Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal documentaire
12 octobre 2013

sur érik satie

debussy_satieJe connais depuis des années une photo où l'on voit Debussy et Satie installés devant une cheminée surmontée d'un grand miroir. En l'examinant maintenant plus attentivement, je réalise que le trait blanc devant la bouche de Debussy n'est pas une grosse cigarette, comme il m'avait semblé jusqu'à présent, mais le reflet de son col dans la glace. L'impression de cigarette était peut-être renforcée du fait qu'il tient la main dans sa poche avec le geste de celui qui cherche un briquet, et que Satie, de son côté, a réellement une cigarette entre les doigts.

Pour satisfaire une curiosité de longue date, j'ai passé quelques soirées à feuilleter trois livres de et sur mon musicien préféré, Erik Satie (L'Erik Satie d'Anne Rey paru au Seuil en 1974, les Ecrits de Satie réunis par Ornella Volta chez Champ Libre en 1981, enfin le catalogue de l'expo Variations Satie dirigée en 2000 par la même Ornella, spécialiste du personnage).

Je ne sais toujours pas à quoi tient la graphie peu commune de son prénom terminé par un K, mais je le vois écrit simplement Eric (Eric-Alfred-Leslie) sur son faire-part de naissance.

Erik Satie (1866-1925) a mené une existence plutôt sédentaire, n'ayant guère voyagé qu'entre son Honfleur natal et Paris. Il a vécu dans la bohème de Montmartre, avant de s'établir dans la banlieue sud, à Arcueil, dans une chambre où n'entrait nul autre que lui, où il habita les vingt-sept dernières années de sa vie, et où l'on découvrit à sa mort un capharnaüm.

Il était de père catholique et de mère anglo-écossaise protestante. Lui-même fut quelque temps catholique. Il fut membre de l'ordre de la Rose+Croix, qui correspondait bien à son goût dandy de l'ésotérisme. Il créa aussi une secte fantaisiste, dont il fut le seul membre, l'Eglise métropolitaine d'Art de Jésus Conducteur.

On ne lui connaît paraît-il qu'une seule liaison, qui dura quelques mois, dans le premier semestre de 1893, avec la peintre Suzanne Valadon. Que fut à part cela sa vie sentimentale, s'il en avait une, je me le demande. Peut-être en fin de compte s'est-il rangé au précepte rosicrucien «... de garder mon coeur de l'amour sexuel pour le donner à l'Idéal et de ne jamais chercher la poésie dans la femme ...»

Il fut de gauche, inscrit au parti socialiste en 1914, au parti communiste en 1921. Je ne lui en veux pas, car je le fus aussi, soixante ans après lui, mais je m'en suis remis.

«Il ne manque à sa gloire que d'être fondateur du concours Lépine (rayon des petits inventeurs)», aurait dit de Satie un certain Pierre Boulez, chef d'orchestre, qui par ce sarcasme s'est surtout ridiculisé lui-même.

J'aime beaucoup la plupart des petits morceaux de musique pour piano composés par Satie. J'avoue que je les aime au premier degré, pour le plaisir acoustique, sans comprendre le rapport entre la musique et les titres facétieux, parfois sans comprendre même l'énoncé de ces titres. Cocteau parlait de «petits morceaux de piano habillés en manière d'excuse d'un titre farce, d'un titre ridicule».

Les écrits de Satie par contre me déçoivent. La plupart ne sont eux aussi que de petites blagues, mais elles sans musique. Pour un sourire qu'elles nous tirent de temps en temps, que d'absurdités à la dada, que de potacheries sans intérêt, et d'ailleurs sans prétention.

Il avait un talent de dessinateur, et spécialement de calligraphe, dont témoignent des dizaines d'inscriptions, libellés de courrier et vignettes diverses, où l'on voit la marque de son esprit méticuleux.

Erik Satie figure sur quelques peintures, et son portrait a été tracé par des dessinateurs qui ne sont pas les moindres (Picasso, Cocteau, Picabia...). Il existe aussi des photos de lui (dont certaines par Man Ray) où il m'apparaît plus beau âgé que jeune. Dans les dernières années son visage rayonne de bonne humeur, avec parfois de la malice dans le regard.

Publicité
Publicité
Commentaires
R
Satie et l’amour :<br /> <br /> <br /> <br /> « Par pur instinct, les huîtres sur la plage sentent que c'est la pleine lune. Au beau milieu de la nuit, elles ouvrent leur coquille & révèlent leur trésor le plus caché (une perle) au disque argenté qui luit dans le ciel. Elles ont une conversation secrète avec la lune, que personne d'autre ne partage. Peut-être que c'est ça, l'amour. »<br /> <br /> <br /> <br /> Richard SKINNER, Le gentleman de velours, Autrement, 2008<br /> <br /> (récit dans lequel Erik Satie est le narrateur)<br /> <br /> Traduction Danielle Wargny
Répondre
R
Et pour l’amateur de listes que vous êtes :<br /> <br /> <br /> <br /> « (…) je me suis mis à faire des listes, ce qui est, comme chacun sait, le meilleur remède contre l'apathie (1). Je faisais des listes de mes futurs accomplissements, de mes amis & ennemis, des livres à lire & des musiques à ne pas écouter. »<br /> <br /> <br /> <br /> (1) Jeu de mots sur list (« liste ») et listlessness (« apathie », « indifférence) (NDT).<br /> <br /> <br /> <br /> Richard SKINNER, Le gentleman de velours, Autrement, 2008, page 12<br /> <br /> (récit dans lequel Erik Satie est le narrateur)<br /> <br /> Traduction Danielle Wargny
Répondre
Journal documentaire
Publicité
Journal documentaire
Archives
Publicité