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Journal documentaire
17 août 2013

journal de non-voyage, 21

dictatureEncore une journée sans grandeur, je le crains. (Mais quand je commence ma chronique par un alexandrin, ça va tout de suite mieux). Sans grandeur, peut-être, mais non sans énormité. Le vieux Jacquot, que sa santé devrait empêcher de travailler, est venu me demander si je voulais des patates. Il en avait une brouette remplie à ras bord. Au début, j'ai cru que je devais me servir dans la brouette, mais en fait elle m'était entièrement destinée, lui-même en a conservé quatre ou cinq fois la même quantité. Je vais pouvoir en offrir, avis aux visiteurs.

Thierry  et moi sommes allés chez Véro nourrir les chats, que nous n'avons pas vus. A vrai dire, nous nous sommes contentés de vérifier que leur différents bols, bien remplis par leur maîtresse, étaient encore quasi intacts. 

A midi, nous avons terminé les saucisses, et rallongé la salade de tomates et concombre.

Dans les intervalles d'une longue sieste, j'ai feuilleté le livre de Renaud Camus, La dictature de la petite bourgeoisie (Privat, 2005). Il est présenté comme un entretien, long de 130 pages, avec un certain Marc du Saune. J'ai d'abord trouvé ces échanges un peu trop bien composés, brillants, avec des citations semblant connues par coeur, et j'attribuais cet aspect fignolé à une réécriture, un quelconque polissage pour l'édition, jusqu'à ce que j'apprenne, en voulant me renseigner sur l'identité de l'interviewer, qu'il s'agit d'une supercherie. Marc du Saune n'est autre que l'anagramme de Renaud Camus, qui a tout rédigé, de sorte que le livre est bel et bien une oeuvre de lui à part entière. C'est une bonne idée, et bien réalisée, car l'auteur s'oppose à lui-même des arguments judicieux, sans concessions, si bien qu'il se met lui-même plus d'une fois en échec, se pousse dans ses retranchements, s'accule à ses contradictions. Camus pourrait faire siennes des réflexions comme celle de Caraco, jugeant que «la race des seigneurs est à jamais éteinte, noblesse enfin n'oblige plus personne, on est entre valets», ou celle de Davila, selon qui «Il n'y a plus de haute classe ni de peuple, il n'y a qu'une plèbe riche et une plèbe pauvre». Cette thèse me paraît juste, même si je lui opposerais des réserves, comme d'ailleurs Camus le fait lui-même, tirant toutes les ficelles et ne manquant pas de s'opposer de valables objections, admettant en cela que la chose n'est pas si simple. On peut dire, en effet : soit, la petite-bourgeoisie est maintenant le modèle régnant, et alors? Cela ne présente-t-il que des inconvénients? Et d'abord, la petite-bourgeoisie, qu'est-ce? (L'auteur en vient à dire, je cite de mémoire, que c'est la classe que l'on ne peut définir... C'est avouer que la matière est volatile). A défaut d'épuiser le sujet, qui est une savonnette conceptuelle des plus glissantes, l'ouvrage a le mérite de l'explorer honnêtement. Il offre d'ailleurs des formules mémorables, à commencer par le titre (bien sûr en référence à la «dictature du prolétariat») et de belles fusées, comme ce «1968 est le 1789 de la petite bourgeoisie». J'ai retrouvé dans les dernières pages une des marottes de l'auteur, son exécration du goût petit-bourgeois pour appeler les gens par leur prénom. Cela m'a rappelé un petit accrochage que nous avons eu, au début de l'été me semble-t-il, via le réseau social Facebook, dans lequel nous sommes «amis», ce qui signifie au mieux «correspondants». Comme il avait remis sur le tapis ce trait de moeurs, qui me paraît bénin, je m'étais amusé à lui opposer que si l'on a eu coutume de désigner les rois de France par leur prénom, il semble hasardeux de réduire la préférence pour le prénom à une manie petite-bourgeoise. Mon intention n'était que de plaisanter aimablement, mais le maître n'avait pas l'air de trouver ça drôle. Il m'a opposé de longues citations de ses oeuvres, très intéressantes, mais qui répondaient mal à mon observation. J'ai songé un instant, pour lui arracher un sourire, déclarer que je le soupçonnais de prénomophobie. Et puis j'y ai renoncé, cela semblait peine perdue.

Dans l'après-midi, Thierry et moi sommes descendus à La Vergne, car il s'intéressait à certaines planches, qu'un jeune homme mettait en vente sur Le Bon Coin, mais il s'est avéré qu'elles ne convenaient pas à ses projets. De là nous sommes allés marcher un peu dans le vieux Saint-Jean, puis faire quelques courses à Leclerc, notamment des éclairs, au chocolat pour moi, au café pour Monsieur.

Dans la soirée, de ses doigts d'or, il a remplacé le joint du robinet de ma cuisine. Nous avons dîné d'une omelette aux pommes de terre, puis nous avons marché une bonne heure dans la campagne, au clair de lune. 

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