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Journal documentaire
24 janvier 2013

mes souvenirs de feu

feuIl serait faux de dire que je suis pyromane. Mais je pourrais bien me définir comme pyrophile.

Il n’y avait guère de feu à voir dans ma petite enfance, chez moi ni chez les parents que nous visitions, car on ne se chauffait qu’au feu caché de la cuisinière ou du poêle.

J’ai connu le feu dans mes premières années à Bergerac, quand les HLM, que nous appelions les Blocs, venaient d’être construites, et que nous en étions les premiers habitants. La rue des Frères non loin de là n’était encore qu’un vaste terrain vague où j’allais traîner avec les autres gamins. Nous jouions dans les ruines et nous y faisions brûler des journaux. Comment n’avons-nous jamais provoqué d’incendie, comment mes parents me laissaient-ils divaguer de la sorte, et revenir puant sans doute la fumée, cela m’intrigue maintenant.

Sans doute me suis-je alors familiarisé avec le trésor des allumettes. Peut-être ai-je connu dès ce moment la race étrangère des allumettes espagnoles, que l’on frottait sur les murs.

J’ai connu le feu de cheminée à l’adolescence, quand mes parents prirent l’habitude de nous emmener passer quelques jours chaque été chez Pierre et Lili, en Bourgogne. Il faisait là-bas un temps si pourri qu’il n’était pas rare, même en plein mois d’août, que la flambée soit requise, du moins bienvenue. Je revois l’oncle Pierre disposant dans le foyer du papier froissé et des bouts de bois avec ses grosses paluches, tout en me donnant de sa voix nasale une courte leçon que je n’ai jamais oubliée, quelque chose comme «Le feu, tu vois, il faut qu’il respire».

Je n’ai pas souvenir d’avoir assisté à d’autres incendies, que les feux de forêt qui dévastaient la Galice, l’été où j’y suis allé. Les flammes venaient parfois tout au bord de la route.

Longtemps dans ma vie de jeune homme je n’ai vu de feu que sporadiquement, au hasard de soirées chez les copains ruraux.

Quand j’étais en ménage, il y eut une fois où on loua en plein hiver un grand vieux gîte en Charente, assez beau mais glacial, sans autre chauffage que la cheminée du salon, avec un stock de bois limité pour passer la semaine. Il y avait des plaques de neige sur l’herbe, et les derniers jours j’ai volé des bûches supplémentaires dans la réserve.

Quand je me suis installé dans l’ancien appartement de Patrick, rue Sainte-Catherine, mon premier soin a été de désobstruer la cheminée et de la faire ramoner. Il avait passé là des années sans en éprouver le besoin, pour moi ce fut impératif dès mon arrivée.

J’ai le meilleur souvenir des soirées passées devant le feu de cette petite cheminée de ville, seul ou en compagnie, et du plaisir de glaner des bouts de bois partout où je passais, dans les rues, sur les quais, à la fac.

Quand j’ai eu mon premier bois, un de mes premiers soins fut de choisir l’endroit où je camperais et où je ferais du feu, près du ruisseau. Les conditions de dénuement ranimaient la loi primitive : le foyer, c’est la place du feu, et la place de celui qui fait du feu, le lieu où il revient s’asseoir, se reposer, ranger ses affaires, manger ou dormir, le lieu où il habite.

Depuis lors je fais du feu chaque fois que je vais là, c’est mon premier soin en y arrivant, sauf quand une chaleur excessive l’interdit, il faut qu’il fasse vraiment chaud pour que je m’en passe. S’il est inutile pour me réchauffer, le feu sert à dissiper une part du bois mort que j’ai en trop, à signaler aux hommes et aux bêtes des environs que je suis là, à produire de la cendre dont je ferai de l’engrais, à tenir les moustiques à distance, à griller quelques aliments, ou parfois simplement à me sentir bien.

Dans la maison que j’ai maintenant à la campagne, il y a une vieille cheminée d’un mètre trente de large, où je brûle du bois. Ma table à manger est juste devant, mon bureau sur le côté, si bien que je peux m’asseoir à l’un ou à l’autre, j’ai toujours le feu dans le dos. Là aussi quand la saison n’exige plus de feu pour la chaleur, j’en fais encore un peu pour une autre raison, sous un autre prétexte.

J’arrête ici ces souvenirs, sans exclure d’y revenir.

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Commentaires
P
Joli terme que pyrophile. Je crois l'être aussi.
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