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Journal documentaire
7 septembre 2012

le sexe d'une ville

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Le roman de Manon Lescaut s'achève en Amérique, dans la ville aujourd'hui nommée la Nouvelle-Orléans, mais que l'abbé Prévost appelle «le nouvel Orléans», suivant, je suppose, un usage du temps, qui ne s'est pas maintenu. Cette observation soulève le problème du sexe des villes, ou disons de leur genre, qui n'est pas toujours facile à déterminer. Il ne fait pas de doute quand le nom comprend un article, comme La Rochelle ou Le Mans, ou quelque autre élément déterminant (Saint-Jean, Sainte-Marie). Dans un cas comme Orléans, la chose est moins évidente. Je m'étais déjà posé la question au sujet de Bordeaux. En y repensant, je m'avise de consulter à ce propos un instrument approprié, ma collection de citations, Bordeaux cité citée, comprenant maintenant la somme de 244 entrées (voir à «bordeaux» sur cette page). La plupart du temps, le nom de la ville y est employé sans impliquer de genre. Cependant un certain nombre d'auteurs font de Bordeaux une entité nettement typée. Or la moitié d'entre eux optent pour le masculin, l'autre pour le féminin. Les avis sont donc très partagés. L'indice le plus fréquent est l'emploi d'adjectifs qualificatifs. Dix auteurs qualifient Bordeaux au masculin : Bordeaux peut être débarrassé (Chateaubriand), enveloppé (Dorgan), somptueux (Freustié), nouveau et ancien (Hugo), emmailloté, maquillé, vêtu et terrifié (Lacouture), seul (Louis), petit et vrai (Reclus), devenu (Rémy), sorti (Siré), profond, chaud et vivant (Trasbot). Sept auteurs seulement qualifient Bordeaux par des adjectifs au féminin : vue et percée (R Camus), mentionnée (Fénié), attachée (A Juppé), belle (I Juppé), bâtie (Moreri), royale (Nerval), située (Schopenhauer). Mais trois autres lui appliquent encore des termes féminins : fille (Schmidt), elle (Valençon), la (Vernière). A quoi tiennent ces choix, que je suppose spontanés? Y a-t-il quelque raison de féminiser ou de masculiniser Bordeaux? La terminaison de ce nom lui donne un vague air de pluriel, et il peut résonner à l'oreille moderne comme un pluriel irrégulier du mot «bordel», ce qui en ferait un masculin pluriel, ou comme la périphrase «bord(s) d'eaux», qui est un cas plus incertain. Il semble en fait dériver de l'ancien nom latin Burdigala, dont j'ignore le sens, et le statut lexical (est-ce un féminin, ou un pluriel neutre, ou autre chose encore?). Dans mon anthologie, parmi les substantifs désignant Bordeaux le plus fréquemment, trois sont féminins (ville, cité, capitale), un masculin (port). Je note qu'on ne saurait parler de «la vieille Bordeaux» mais que l'on dit «le vieux Bordeaux» (Hugo, Ponz), en sous-entendant peut-être «quartier». Ces considérations entretiennent la méditation, sans mener à une conclusion décisive. Je me garderai d'en déduire que Bordeaux est de nature androgyne. Je pense plutôt que les villes font partie de ces entités neutres, qui n'ont guère de genre, que celui que les hommes éprouvent le besoin de leur attribuer, selon l'inclination ou l'humeur du moment.

(L'illustration n'a pas grand chose à voir, encore que, mais comme on m'a fait remarquer que mon blog manquait un peu de sensualité, j'emprunte cette jolie photo à Richard Biardeau.)

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Commentaires
H
De par la photo! je me suis rendu à Bordeaux et dirait que de retour de Rome,La Roma, ma pensée a été desuite, La Burdigala; <br /> <br /> Mais bon,j'admet sincèrement ta conclusion.<br /> <br /> <br /> <br /> Belle PhOtO
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