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Journal documentaire
16 septembre 2010

Acteurs sociaux

legumesDans un village du canton, il y a un jardin potager tenu par une association qui «s’occupe», comme on dit, de handicapés mentaux. Les affligés cultivent sous la direction et avec la participation de cadres, et les légumes sont vendus bon marché, sans intermédiaire, aux clients du coin, à qui l’on ouvre le portail deux journées par semaine. J’étais déjà allé m’y fournir deux trois fois, et il m’avait semblé qu’il fallait prendre garde à l’addition. Car pour que l’insertion sociale soit plus complète, on ne se contente pas de faire jardiner les simplets, on leur fait aussi tenir la caisse malgré leurs compétences limitées. En outre leurs manières sont obscures, car tous les prix ne sont pas bien affichés, et ces gens pèsent et évaluent vos légumes sans vous annoncer la valeur de chacun, mais seulement la note finale. Je n’y suis allé qu’une fois cet été, un beau matin. J’ai réfléchi à ce que j’allais prendre, pendant que la dame qui me précédait se faisait servir par un gros engourdi renfrogné à lunettes. Sans faire bien attention à ce qu’elle achetait, j’ai eu l’impression qu’elle le payait plutôt cher, mais cela ne me regardait pas et mon tour était venu. Je choisis deux belles courgettes, deux petites têtes d’ail et un petit chou à feuilles plates. Le bigleux fait ses calculs et m’annonce froidement : 12,60 euros. Hou là, lui dis-je, embarrassé, êtes-vous sûr, cela me paraît bien cher, si vraiment c’est le prix, je préfère renoncer. Ha ben, bougonne-t-il, si tout le monde fait comme vous… Voyons, lui dis-je, voulez-vous me donner le détail de chaque prix. Le gars ronchonne encore, hésite, puis va chercher un des cadres dans une serre. La vérité apparaît vite. Il m’avait compté 0,8 au lieu de 0,08 kg d’ail, soit 800 grammes au lieu de 80, ce qui me les faisait payer 4 euros au lieu de 40 centimes. Quant au chou, il l’avait estimé à 3 kilos quand il ne pesait que 300 grammes, valant donc 60 centimes et non 6 euros. Finalement la somme de mes achats s’élevait à 3,60 et non 12,60 euros. Le cadre est retourné dans sa serre, le caissier a marmonné des excuses que j’ai acceptées, et j’ignore ce qui est arrivé aux pigeons qui me suivaient. Mais ce que j’ai constaté, c’est que malgré la grossièreté des erreurs commises, consistant à décupler le poids et donc le prix des marchandises, ce qui n’est pas rien, on laissait encore la caisse entre les mains du même incapable. C’est là typiquement un cas où les «acteurs sociaux» passent de la charité à l’irresponsabilité, sans que personne ne s’en offusque. Evidemment, cet épisode fâcheux ne m’a pas rapproché du socialisme, je suis retourné dès lors filer mon pèse à des marchands un peu plus professionnels, et parfois plus souriants.

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Commentaires
M
J'ajoute aussi que, si comme vous dites la victime était coupable dans mon propos, je l'y encourageais à se défendre ; l'important étant surtout d'admettre que si on laisse un handicapé mental dans l'erreur par charité, on le tient dans son malaise. Quoi de plus dignement humain que l'essai de s'entendre, hein ?
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M
Peut-être y a-t-il là davantage de romantisme (cf dans Le Tour du jour en 80 mondes, de Cortazar, le texte à propos de victimologie), que "d'idéologique".
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P
En somme c'est la victime qui est coupable, je reconnais bien là la "logique" de gauche, qui m'est devenue définitivement opaque.<br /> Mes amitiés quand même, cher Mathieu.
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M
Je pense au contraire que vous devriez continuer d'aller faire vos courses dans ce commerce, et continuer à demander le prix exact : ne vous fiez pas à l'air renfrogné du caissier. Ce sont les autres clients qui sont effectivement en tort, non vis à vis de leurs finances propres, mais vis à vis de cette personne dont ils acceptent les incohérences sans un mot.
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