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Journal documentaire
21 janvier 2010

Biologie de l'art

musesL’ensemble, ou du moins la plupart des objets artistiques, se répartissent en trois classes fondamentales : musique (art du son), plastique (art visuel), littérature (art du langage).

Avant d’être appréciés par l’intelligence, les objets artistiques sont perçus, comme tous les autres objets, par les sens.

Précisément, on perçoit les objets artistiques par l’intermédiaire exclusif, ou principal, de deux sens : l’ouïe et la vue. La musique est perçue par l’ouïe, la plastique par la vue. La littérature est perçue soit par l’ouïe (audition de la voix), soit par la vue (lecture).

Les deux sens de la perception artistique sont aussi les deux plus évolués (apparus puis développés plus récemment au cours de l’évolution biologique) et les deux plus perfectionnés (donnant la plus grande quantité d’informations sur le monde extérieur). Ce sont les sens de la perception à distance (non chimique, sans contact).

Les objets raffinés destinés à être perçus par les sens chimiques (comme le parfum pour l’odorat, la gastronomie pour le goût) n’atteignent pas à la spiritualité des objets vraiment artistiques.

L’ouïe et la vue sont donc les deux sens les plus spirituels, ceux qui servent à la perception des grandes catégories d’art, et d’ailleurs ceux qui permettent la transmission des idées et des connaissances.

Existe-t-il une hiérarchie de spiritualité entre les trois classes d’art? Cette question revient à demander s’il existe une hiérarchie de spiritualité entre la vue et l’ouïe.

La littérature est peut-être l’art le plus spirituel, au sens où c’est l’art le plus intellectuel, parce qu’il ne dépend pas exclusivement de l’un ou de l’autre des canaux sensoriels (les œuvres peuvent être lues ou écoutées), parce que l’appréciation des œuvres implique plus nécessairement la compréhension intellectuelle que les œuvres des autres catégories, et parce qu’il n’est pas même lié à la forme de sa langue de conception (en grande part, la beauté littéraire survit dans la traduction).

Reste la comparaison entre musique et plastique, entre ouïe et vue. Du point de vue de leur capacité à transmettre des significations, les œuvres plastiques me semblent nettement supérieures aux oeuvres musicales. Cela ne veut pas dire que la musique ne puisse être raffinée, loin de là, mais il est évident qu’elle est à peu près insensée. Les titres que l’on donne souvent aux morceaux de musique (Daphnis et Chloé, Thursday afternoon) sont trompeurs, car ils semblent se référer à une signification, que l’on serait bien en peine de trouver, si l’on ne connaissait déjà le titre. La musique n’est pas tout à fait abstraite, mais elle ne représente que des humeurs (tristesse, joie, rut, contemplation, etc). Elle est aussi la seule forme d’art liée directement à l’activité corporelle : elle sert à la danse, et l’auditeur d’une musique cadencée, même s’il ne danse pas, agite instinctivement la tête, la main ou le pied.

Je vois une confirmation du degré croissant de spiritualité ou d’intellectualité allant de la musique à la plastique et de la plastique à la littérature, dans leur statut sociologique. Même s’il existe des succès populaires dans les trois domaines, il est évident que la musique est le premier art de masse, et la littérature le plus élitique. La dévotion des jeunes va d’abord vers la musique, art de la danse et donc art nuptial, avant le reste, et l’on remarquera que dans les objets composites que sont les chansons, c’est la musique qui prime sur les paroles, puisque des millions d’auditeurs achètent, écoutent et fredonnent des airs dont souvent ils ne comprennent déjà pas le titre.

La différence fonctionnelle entre vue et ouïe me laisse songeur. L’ouïe est un sens utile à tout moment, alors que la vue devient inutile quand il fait noir. Et l’oreille, du moins l’oreille humaine, ne peut se fermer naturellement, comme l’œil par la paupière. A quoi s’ajoute que l’on fait plus facilement obstacle à la vue, qu’à l’ouïe : un buisson ou une tenture cache la vue d’un homme, que l’on entendra cependant, s’il parle. Tout cela semble faire de l’ouïe un sens plus efficace, plus disponible et plus fiable que la vue. Pourtant celle-ci, malgré ses imperfections, nous renseigne si bien sur l’environnement, que nous ne nous en priverions pas de bon gré au bénéfice de l’autre. Ils sont bien rares, ceux qui à tout prendre préfèreraient devenir aveugles plutôt que sourds.

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Commentaires
L
Les hommes (et les lapins) aussi jouissent par les oreilles, Fodio : tout l'art de la simulation des femmes repose là-dessus. Une pute doit d'abord être rompue à la rhétorique, exactement comme un homme politique.<br /> <br /> Le capitalisme nous tient par les couilles, exactement comme une gonzesse : il n'a pas d'autre recette, sauf celle de tenter de faire gober que les femmes sont opprimées par une politique masculine, alors que c'est exactement l'inverse qui se passe. C'est sans doute dans la guerre capitaliste, où la mécanique atteint son point culminant, que la domination du sexe est la plus évidente.<br /> Remarque aussi les airs de pitié que les femmes prennent face aux misogynes boches (Nitche, Freud, Strindberg, Schopenhauer, Houellebecq...) : elles savent très bien qu'elles les contrôlent et les manipulent parfaitement. Dans les nations de soldats, comme le Japon ou l'Allemagne, ce sont d'ailleurs très souvent les femmes qui ont le plus de force, tandis que les hommes sont assez "abstraits". On peut être à peu près certain de retrouver derrière le chrétien qui s'engage dans l'armée pour servir une cause obscure, contre les avertissements solennels de sa propre religion, une mère abusive.<br /> Le tocard Nitche méprise les femmes parce qu'elles s'apitoient trop facilement, dit-il ; mais où diable cet ahuri a-t-il pris ça ? Les femmes ne connaissent pas la pitié : elles sont précisément trop faibles pour s'apitoyer en dehors d'elles-mêmes chez le psychanalyste.
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L
- J'oubliais de dire que pour Aristote, l'oreille a la forme d'une perturbation météorologique.<br /> - Et que par Proust on comprend pourquoi les nations pédérastiques (comme l'Allemagne) privilégient l'ouïe et l'odorat sur la vision (en dehors de l'exceptionnel Dürer, qui a placé les instruments de la géométrie et de l'architecture aux pieds de Lucifer dans la "Mélancolie") : parce que ce sont les sens primaires qui rattachent à l'enfance, liés à la mélancolie et la mémoire. Dans le ventre le foetus perçoit la voix de sa mère ; d'une certaine façon le pédéraste est un être "inné".<br /> - J'en profite pour préciser à Fodio que Bacon voit dans le sphinx une figuration de la science spéculative, c'est-à-dire mathématique et géométrique, qui possède le don de retomber sur ses pattes mais reste statique. Certaine officine spécialisée dans la psychanalyse a repris (après un empereur romain célèbre) la sphinge pour emblème.
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F
Voyez comme le Lapin met le doigt où ça fait mal : vos humeurs, vous le dites vous-même ! (ce vouvoiement bourgeois me fait d’un chié parfois) j’ai vu que le ricain polémiste vous a énervé, encore un que ces humeurs travaillent, non ? son humour ?! plutôt limite le gazier ! le misanthrope de Molière n’est pas moins soupe au lait. <br /> Comment faites-vous pour ne pas ENTENDRE le Lapin, ça c’est un mystère pour moi. Pas loin de celui de la création en sept jours, à vrai dire.
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Y
Pour ma part j'évoquais davantage une Byzance tardive et même finale. Chacun ne voit et n'entend, en définitive, que ce qu'il est capable de désirer.
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L
Je faisais au contraire remarquer que l'opposition ouïe-vue est décisive dans l'histoire de la pensée et de l'art et je ne saurais trop conseiller à Billé pour lui-même et ses lecteurs de creuser cette distinction. Elle permet par exemple de comprendre que Marx et Engels sont les seuls penseurs véritablement aristotéliciens depuis le XVIe siècle. La pensée nazie est marquée par le pythagorisme et le cartésianisme.<br /> <br /> Ce qui fait de l'homme un animal supérieur selon Aristote, c'est en grande partie son sens développé de la vision. Les ondes sonores et magnétiques ont une importance très grande pour les animaux.<br /> <br /> Il n'y a certainement pas de hasard dans le fait que Diderot tente la démonstration que Dieu n'existe pas en prenant l'exemple de l'aveugle de naissance, dont la conception (géométrique) du monde est différente de celle d'un "voyant" (même si Diderot "oublie" que les règles de la géométrie n'ont pas été édictées par des aveugles).<br /> Pour un marxiste comme moi, la folie peut se ramener à un défaut de la vision. Il est frappant de constater, par exemple, que les autistes paraissent ne pas voir grand-chose.<br /> <br /> (La différence entre Copronyme et vous, Billé, étant donné que nos débats ne sont pas moins vifs, c'est que vous êtes beaucoup plus susceptible, ce qui est dans le tempérament du misanthrope.)
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