On the tram again
J’en reviens à l’ambiance dans le tram, pour préciser mes sentiments sur le sujet. Je ne condamne pas les gens qui possèdent de petits appareils à son leur permettant de s’isoler relativement dans leur univers acoustique, je m’amuse de constater que je ne suis plus dans le coup, mais j’en achèterai un moi-même tôt ou tard, c’est probable. Lire en voiture m’est un passe-temps interdit, ça me brouille. Je serais moins indulgent pour les sans-gêne, de toute race et de tout sexe, si je peux dire, qui font chier l’entourage et à cause de qui, parfois, le temps du transport, au lieu d’être un simple moment perdu, est un moment d’emmerdement. Il y a quand même des coups de latte qui se perdent, et je regrette de ne pas être en mesure de les donner. Le pire pour moi ce sont les moments de saturation où l’on voyage debout, serrés comme des sardines, dans le bruit et l’odeur. Le meilleur est à venir, quand le froid va amener les premiers crevards, à ventiler leur vérole par éclats de toux et reniflements, c’est là qu’on va vraiment déguster la joie de l’agglutination. Et le destin fait que cette année je dois affronter assez souvent cette situation, qui est de celles que j’ai toujours mis le plus de zèle à fuir mais c’est ainsi. Encore heureux je ne bosse que quatre jours la semaine et je trouve parfois d’autres moyens. Les autorités sont parvenues à ce qu’il est devenu à peu près impossible, et en tout cas très problématique et coûteux, de se déplacer en automobile de la ville en banlieue. Pour aller de Bordeaux à la fac, par exemple, il est pratiquement obligatoire de prendre le tram. Ce n’est pas forcément désagréable aux heures creuses, comme peuvent se le permettre les oisifs, les artistes et les retraités. Ca craint pour les prolos, pour les gens du commun, les baisés comptez-vous. Là on n’a pas le choix et c’est tous les jours. Comment les gens supportent-ils ces conditions de bétaillère ignoble, comment ne se révoltent-ils pas, cela m’étonne mais à demi seulement, le masochisme et la passivité n’ont guère de limite. Et dans les prospectus, la propagande montre des passagers souriants dans des rames aux trois quarts vides.