Lorca
Je vais sans doute aggraver ma réputation en avouant que je n’ai jamais réussi à trouver intéressante une seule phrase, ou une ligne écrite par Federico García Lorca. Ce ne sont pourtant pas les occasions qui ont manqué au cours de ma vie, mais chaque fois que j’ai ouvert une de ses œuvres, théâtre ou poésie, je me suis senti accablé d’un tel ennui, que j’ai bientôt refermé. Dernièrement, parcourant sa notice dans Wikipedia, j’ai vu que l’on donnait parmi les citations les plus mémorables de lui des sentences comme «Lo mas importante es vivir», ou encore «Rien n’est plus vivant qu’un souvenir», ce qui n’est pas d’une profondeur vertigineuse. Cet écrivain est pourtant fameux, ce doit être je crois le seul espagnol avec Cervantès, à qui la collection de la Pléiade ait accordé l’honneur d’un volume personnel. Aurait-il aussi grande réputation, s’il ne jouait le rôle posthume du parfait martyr humaniste, assassiné dans des circonstances sordides par des phalangistes brutaux, dans les premiers moments de la Guerre civile? J’en doute un peu. Les circonstances de sa mort sont non seulement sordides, mais paraît-il plus troubles que ne le raconte l’histoire sainte, s’il est vrai que lui-même, malgré son engagement républicain, avait de solides amitiés en milieu phalangiste, et c’est d’ailleurs chez des phalangistes de ses amis qu’il avait cherché refuge quand il s’était senti menacé. Il avait une bonne tête. Il avait été grand ami de Dali, qui n’était pas très à gauche non plus. Dans sa vieillesse, le peintre a confié qu’il n’y avait pas eu de rapports sexuels entre lui et le poète. Lorca aurait tenté deux fois de le sodomiser mais en vain, le cul de Salvador est resté aussi imprenable que l’Alcazar de Tolède.