Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal documentaire
22 décembre 2008

Lettre documentaire 444

Guerre

RUSE DU MARQUIS DE MONT, par Famiano Strada

Mais durant tout ce temps-là [Février 1579], il n’y en eut point qui exécutât les choses avec plus de force & de présence d’esprit, que Jean-Baptiste marquis de Mont. Car ayant reçu commandement d’Alexandre [de Parme] de harceler l’ennemi par de fréquentes courses, entre Mastric et Louvain, dont il était gouverneur aussi bien que des autres villes d’alentour, il sortit un jour avec cinquante lanciers & vingt-cinq arquebusiers, pour reconnaître l’état des choses, & rencontra l’ennemi auprès de la ville de Gueldre, avec cinq cornettes* environ de sept cents chevaux. L’aspect inopiné de cette cavalerie qui s’avançait, donna d’abord de la crainte. Mais bien que de Mont ne fût pas encore si avant, qu’il ne pût facilement se retirer, & éviter par la fuite ceux qu’il avait devant, néanmoins comme il croyait cela honteux, bien que ce fût le plus assuré, il fit faire halte à ses gens. & comme il était vieux capitaine, cette rencontre de l’ennemi fut plutôt subite pour lui, qu’elle ne lui fut inopinée. De sorte qu’au même moment il disposa ses gens de cette sorte. Il y avait une petite éminence, d’où les arquebusiers du marquis de Mont, qui marchaient les premiers, avaient été découverts par l’ennemi, car ceux qui portaient des lances les suivaient de loin, & n’étaient pas encore montés sur la colline. Les arquebusiers s’étant donc arrêtés dès qu’ils eurent été aperçus, il divisa les lanciers en plusieurs escadrons, & les ayant placés en divers lieux, il leur commanda de monter sur cette éminence au premier signal, de se présenter de front à l’ennemi, & de faire mine de le vouloir poursuivre. Ensuite il fit sonner les trompettes de trois endroits, & tous ensemble ils coururent sur les ennemis, qui se laissèrent tromper par cette apparence d’un plus grand nombre. Si bien que comme les yeux sont ordinairement les premiers vaincus dans la guerre, & qu’on ne pouvait pas s’imaginer que des hommes qui attaquaient si vivement fussent en si petit nombre, les ennemis prirent la fuite, & les gens du marquis de Mont les poursuivirent avec d’autant plus de hardiesse, que toute la crainte qu’ils avaient ayant passé dans le cœur de l’ennemi, ils ne combattaient plus pour se défendre, mais pour le tailler en pièces & pour gagner du butin. Ainsi dans l’espace d’une demi-heure sept cent cavaliers furent défaits, la plupart tués & dépouillés. On remporta trois cornettes, car les deux autres avaient été brûlées, on prit environ cent prisonniers, & plus de deux cents chevaux. & ceux qui les avaient pris, & qui les faisaient marcher devant eux, n’étaient pas plus de quatre-vingts. Tant il est vrai qu’il est bien aisé de vaincre, ceux que la crainte a déjà vaincus.

* Cornette : compagnie de cavalerie, et l’étendard d’une compagnie.

----------------------------------------------------------------------------------

Beau paragraphe extrait de l’Histoire de la Guerre de Flandre (De Bello Belgico, 1632) de Fabiano Strada, S. I., traduite du latin par P. Du Ryer, Seconde décade, Paris, 1649, pages 22-23. Après plusieurs éditions ce livre n’a plus été réédité en français depuis 1725. Texte légèrement modernisé par Philon de la Croisille.

Publicité
Publicité
Commentaires
Journal documentaire
Publicité
Journal documentaire
Archives
Publicité