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Journal documentaire
28 juin 2008

La maison de Kauffmann

kauffmanAprès avoir été retenu captif pendant trois années, de 1985 à 1988, par des sauvages du Liban, le journaliste Jean-Paul Kauffmann a pu regagner la France libre où, dès 1989, il s’est payé une jolie maison dans les Landes, pour se consoler de ses misères. Il raconte dans La maison du retour (NiL 2007, repris en Folio) cette opération immobilière, en commentant les aspects matériels et psychologiques de l’affaire. Le livre est divisé en 41 brefs chapitres, dont les 32 premiers rapportent les événements du printemps et du début de l’été 1989, et les neuf derniers dressent une sorte de bilan quinze ans après, soit probablement en 2004. C’est agréable à lire. Il y a quelque chose du journalisme dans la narration au présent, en phrases courtes, mais il s’agit d’une œuvre littéraire autrement élaborée qu’un simple reportage. Le texte abonde en subtiles notations acoustiques et olfactives, et le récit tisse habilement différents fils thématiques récurrents : les visites régulières de l’agent immobilier, de l’ami architecte et de l’épouse, la lecture d’un livre de Virgile découvert par hasard, les échos radiophoniques de l’affaire Salman Rushdie, les observations sur la faune et la flore...
Ne connaissant pas l’auteur personnellement, et pas beaucoup plus impersonnellement, j’ignore s’il est de famille, s’il a gagné au loto, ou s’il doit sa prospérité à l’habileté de son industrie, mais le fait est qu’il a des moyens. Il achète sans lésiner une bicoque de quinze pièces avec 5000 mètres carrés de terrain, fait tout remettre à neuf au prix de plusieurs mois de travaux, hausse les épaules quand on lui fait remarquer que les ouvriers le pigeonnent en faisant traîner (chapitre 22) et se retrouve quinze ans après propriétaire des sept hectares environnants (33), tout en consacrant apparemment l’essentiel de son activité à tirer sur le cigare, allongé dans un hamac, tout en sifflant des bouteilles dont je ne peux même pas rêver pour les jours de fête. Avec cela il murmure nonchalamment qu’il n’a pas «l’instinct de propriété» (25), soit en d’autres termes «la pulsion possédante» (33). Eh bien, me dis-je, il y en a qui savent comment s’y prendre.
Je me demande si Jean-Paul ne se fait pas des illusions, dans le chapitre 10, au sujet d’un buis qu’il juge centenaire parce qu’il a plus d’un mètre de haut. Le buis pousse en effet lentement mais je doute qu’il ait besoin d’aussi longtemps pour atteindre cette taille. «C’est un vrai buxus sempervirens», s’exclame le néo-Landais, en omettant de pourvoir Buxus d’une majuscule, et sans réaliser que c’est là l’espèce de buis la plus banale, dont le nom botanique est précisément Buis commun.
Au chapitre 16, rentrant chez lui de nuit, l’auteur entend des oiseaux qui «vocalisent à tue-tête comme en plein jour». Ils réapparaissent au chapitre 24, et il se demande alors s’il peut s’agir de rossignols. Mais oui, Jean-Paul, ça ne peut pas être autre chose.
Comme il est mentionné quelque part que nous sommes là dans une partie des Landes assez proche de la Gironde, et située à une trentaine de kilomètres de l’océan, je suppose que le «marché de P» auquel il est fait allusion au chapitre 19 est celui de Pissos.
Les évocations de Jacques Delamain (ch 21 et autres) me rappellent de bons souvenirs de lecture, d’autant que l’on se réfère en particulier au seul texte de l’ornithologue charentais qui m’avait vraiment frappé, le fascinant Journal de guerre dans lequel il notait l’activité des oiseaux, indifférents à la furie des combats de 14-18.
Kauffmann n’a pas l’air de se méfier, au début, de la présence de bambous et d’acacias dans l’airial qui entoure la maison. Ces plantes sont envahissantes et très difficiles à éradiquer une fois en place. Il commence à s'inquiéter pour les bambous au chapitre 26 et à réagir au 27. Mais au 39, il se contente encore de couper les nouvelles pousses, ce qui est insuffisant. Et bizarrement, il ne reparle pas des acacias.
Je trouve regrettable d’allumer des bougies à l’extérieur, comme au repas des chapitres 28-29. Bien évidemment le vent les éteint sans arrêt, le moindre souffle d’air suffit, et les efforts de l’aimable voisine, qui les rallume sans arrêt, sont inutiles. A la fin du repas, elles ne sont plus que des coulées de cire incrustées dans la nappe. C’est du gâchis.
Au chapitre 34, l’auteur confie qu’il a perdu le goût de lire. Comme il rappelle, par contraste, que c’était un boulimique de lecture avant et durant sa captivité, il semble suggérer que ce dégoût fait partie du syndrome post-libération. Il a maintenant la soixantaine, mais ne se demande à aucun moment si cela n’est pas un effet de l’âge, tout simplement.
Un des traits de Kauffmann qui me le rendent le plus sympathique est évidemment sa marotte de planter des arbres, qui l’a pris sur le tard. Il donne à la fin du chapitre 35 une liste de ceux qu’il a acclimatés chez lui : orme de Sibérie, plaqueminier, pavier, savonnier, micocoulier, tout cela est rare et chic. J’en ai un petit, micocoulier, en pot depuis des années, je ne sais pas où le mettre, il faudrait que j’achète un bout de terre vide, moi avec.

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Commentaires
P
Merci, Ida.
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I
Excellents commentaires, finement écrits et qui donnent un bon aperçu du livre que je suis en train de lire en ce moment.
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