Lettre documentaire 429
PSYCHOGRAMMES et autres pensées de Carlos Vaz Ferreira
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Presque tout le monde croit qu’imiter les innovateurs, c’est innover.
Pour une gloire rapide : s’élever plus haut que beaucoup ne peuvent s’élever, mais pas si haut que beaucoup ne puissent voir.
Ceux qui aujourd’hui s’en prennent aux livres et au « livresque », sont le type même de gens influencés par les livres. Mais ils ne l’admettront jamais.
Il ne faut pas aimer la discipline ; mais il faut être capable de discipline.
Les relations entre intellectuels, surtout si ce sont des artistes, évoquent une sorte de jiu-jitsu. Quand ils polémiquent, quand ils se critiquent les uns les autres, ou se font éloge, ils savent où il faut toucher, et comment, dans quelle mesure, pour produire des douleurs horribles, dont ne donnent pas idée les combats grossiers et naturels.
Confondre en une même condamnation, ou en une même tolérance, tous les degrés du mal, peut être plus nuisible que le mal lui-même.
EN LISANT DICKENS. – Son pouvoir de sympathie dépasse la mesure. D’autres bons auteurs nous font oublier, ou pardonner, la part médiocre de leur production. Mais lui – c’est là le prodige - il nous la fait lire.
BACH. – S’il se trouvait que la musique de Bach était non la musique d’un seul homme, mais celle produite par tous les hommes de tous les temps jusqu’à maintenant, premièrement, cela ne nous semblerait pas peu, et deuxièmement, cela ne nous surprendrait pas.
L’humanité apprend peu, par le raisonnement. Mais par l’expérience, elle n’apprend rien.
« On ne tue pas les idées. »
C’est vrai : mais les mauvaises non plus.
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Ces maximes du penseur uruguayen Carlos Vaz Ferreira (1872-1958) ont été choisies dans son recueil Fermentario (1938, réédition 1968) et traduites de l’espagnol par Philippe Billé.