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Journal documentaire
17 janvier 2008

Lettre documentaire IV (du 4 septembre 1992, réédition)

Deux poèmes de Cecília Meireles, traduits du portugais par Philippe Billé


NOUS ET LES OMBRES

Et autour de la table, nous, vivants,
nous mangions, et nous parlions, en cette nuit étrangère,
et nos ombres sur les murs
bougeaient, pelotonnées comme nous,
et gesticulaient, sans voix.

Nous étions doubles, nous étions triples, nous étions tremblants,
à la lumière des lampes à acétylène,
sur les murs séculaires, denses, froids,
et vaguement monumentaux.
Plus encore que les ombres nous étions irréels.

Nous savions que la nuit était un jardin plein de neige et de loups.
Et nous étions contents d’être vivants, entre les vins et les braises,
très loin du monde,
de toutes les présences vaines,
enveloppés de tendresse et de laines.

Aujourd’hui je m’interroge sur le singulier destin
des ombres qui ont bougé ensemble, sur les mêmes murs...
Oh, elles, sans nostalgie, sans demande, sans réponse...
Si fluides ! S’enlaçant et se perdant en l’air...
Sans yeux pour pleurer...

("Nós e as sombras", de Mar absoluto e outros poemas, 1945)


TRAPEZISTE (JEUX OLYMPIQUES)


Comment parviendrons-nous
aux blanches portes de la Voie lactée ?


Avec des ailes ou bien des rames ?
Avec les muscles grâce auxquels tu bondis ?


Emporte-moi accrochée à tes épaules
comme une cape pour te tenir chaud !


Nous serons des oiseaux ou des anges
traversant l’ombre de la soirée !


Nous quitterons la terre ensemble
et juxtaposés comme des moitiés,


sans la triste poussière des défunts,
sans aucune brume qui endeuille les airs !


Sans rien des questions humaines :
beaucoup plus purs, beaucoup plus graves !


(Trapezista (Jogos olímpicos), de Canções, 1956)

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