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Journal documentaire
16 décembre 2007

Renseignements généraux sur Jim Goad, le petit blanc à la grande gueule

Dans la famille Unpop, c’est l’écrivain. Un écrivain turbulent, quelque peu abrupt, venu de l’underground, doté d’un sens de l’humour très particulier, fasciné par les questions taboues de la race et du sexe. Il se plaît visiblement à bousculer son lecteur en tenant les propos qui dérangent, comme quand il avoue sa haine pour sa mère, s’interroge sur la sexualité de ses défunts parents, doute méthodiquement de l’égalité des races, évoque une amante qui chiait quand elle jouissait, ou se prononce pour la stérilisation des illettrés. Son écriture est ferme, franche, précise, volontiers provocante, parfois grossière, assez subtile. Il fut épileptique et il est toujours gaucher ("J’écris, je lance, je frappe et je me branle de la main gauche") mais de droite. Ses propos sulfureux, et quelques scandales publics, lui ont fait une réputation.

James Thaddeus Goad est né le 12 juin 1961 dans une famille modeste de Clifton Heights, dans la banlieue de Philadelphie, où il a passé son enfance. Son père était un plombier, alcoolique violent. Son frère aîné est mort poignardé à Paris en 1969, son père et sa mère ont été emportés par la maladie pendant sa jeunesse. Jim fut entretenu un temps par sa sœur, dont l’amant le frappait. Il a fait toute sa scolarité dans des écoles catholiques. C’était un bon élève, qui passait à 12 ans des concours d’orthographe.
En 1986, il obtient un diplôme de journalisme à la Temple University de Philadelphie, et rencontre à New York la belle Debbie, qu’il épouse peu après à Las Vegas ("Vegas, la ville qui non seulement vous suce l’âme, mais qui avale"). Ils vont s’installer à Los Angeles (y repassant des années plus tard, il en dira "Los Angeles peut être un bel endroit, quand vous savez que vous allez en partir dans deux jours"). Il écrit en freelance pour des revues comme Playboy, où paraît en 1989 son premier article "professionnel".
De 1991 à 1994, alors que Jim travaille dans une imprimerie, il publie avec Debbie les quatre numéros de la revue Answer me! ("Réponds-moi!"). Il affirmera plus tard qu’il fournissait lui-même 95 % du travail et récrivait les textes de Debbie. La revue contient principalement des interviews de personnalités culturelles marginales, les versions intégrales d’articles de Jim que la presse avait publiés tronqués, et des listes comme les top 100 plus grands tueurs en série de tous les temps, ou les top 100 plus beaux suicides. Le succès public est tel que le tirage atteint 13 000 exemplaires au troisième numéro. Goad y gagnera la renommée de roi des "zines" mais lui, méprisant le milieu du fanzinat, déclarera en tirer autant de fierté que s’il avait gagné une médaille aux Jeux para-olympiques. En 1994, les éditions AK Press, à Edinburgh, publient un recueil des trois premiers numéros de la revue (qui sera repris en 2006 par Scapegoat Publishing, à Baltimore). En octobre 1994, la police trouve un extrait de Answer me! n° 2 dans la camionnette d’un certain Francisco Martin Duran, qui vient de tirer une trentaine de coups de feu sur la Maison Blanche. Un autre scandale éclate quand trois adolescents néo-nazis anglais, deux filles et un garçon, traversant les USA, se suicident collectivement, l’une des filles envoyant ses économies à Goad, qui les renverra, consterné, aux parents.
Fin 1994, les Goad déménagent à Portland, dans l’Oregon, où Jim se consacre à l’écriture et à l’édition. Il restera longtemps attaché à cette ville ("Je reviens toujours à Portland, comme une femme battue qui croit que ça va changer"). En 1995, des féministes déclenchent un procès pour obscénité contre le propriétaire et le gérant d’un kiosque où était en vente le n° 4 (spécial "Viol") d’Answer me! (ils bénéficieront d’un non-lieu en janvier 1996).
En 1997 paraît chez Simon & Schuster, à New York, le premier livre de Jim, The redneck manifesto, dans lequel il dénonce la diabolisation des petits blancs, victimes d’un racisme social (redneck, soit "cou rouge", désigne les péquenauds). La même année, Jim engage une liaison avec l’ex-strip-teaseuse Ann "Sky" Ryan et divorce de Debbie, atteinte d’un cancer aux ovaires. Le 31 mai 1998, il est arrêté après avoir frappé Ann, qui selon lui l’avait cherché. Elle a le nez cassé et reçoit 26 points de suture. Il sera incarcéré au pénitencier de Salem, dans l’Oregon. En l’an 2000, Debbie meurt de sa maladie en août, Jim est relâché en octobre. L’année suivante, il participe à la tournée Angry White Male Tour et commence à diversifier ses activités (chanteur, animateur de radio, acteur de cinéma).
En 2002 paraît chez Feral House, à Los Angeles, son autobiographie écrite en prison, Shit magnet ("L’aimant à merde", celui qui attire les emmerdements). L’ouvrage est sous-titré "L’aptitude miraculeuse d’un homme a absorber la culpabilité du monde".
En 2003, il crée son site internet, qui présente des textes, des photos, des chansons, des interviews de lui, un salon de discussion. Il y a aussi une chronique qu’il refuse d’appeler un blog mais qui n’est rien d’autre, intitulée Notes from Undergoad (peut-être par allusion aux Notes from the underground de Dostoievski), dans lequel ses contributions sont abondantes, quasi quotidiennes, jusqu’à l’automne 2004, plus espacées ensuite. En 2004 paraît chez Fantagraphics (à Seattle), Trucker fags in denial, une histoire de camionneurs homosexuels sadiques, mise en dessins par Jim Blanchard.
L’été 2005, il traverse les Etats-Unis et va s’établir sur la côte Est. En 2007 paraît chez Feral House son recueil d’articles The gigantic book of sex. Il vivait dernièrement à Atlanta, ("Atlanta, la ville trop occupée pour haïr Jim Goad"), en Georgie.

Nombre de déclarations de Jim Goad, dans ses textes, ses notes et ses entretiens, permettent d’esquisser un portrait contrasté du personnage, selon ses goûts et ses dégoûts.
Il n’aime pas l’alcool, c’est "pour les demeurés" (Bukowski "battait des femmes, lui aussi, mais moi au moins je ne bois pas") mais admet avoir eu l’expérience de l’acide, du crack et de l’héroïne, qu’il ne glorifie pas. Il n’aime pas Bukowski ("l’homme le plus laid et l’écrivain le plus merdeux"), ni les hommes en short ou à queue de cheval, ni les hippies et les punks, ni le jazz ("si je n’avais plus que 5 minutes à vivre, je déterrerais Miles Davis pour l’étrangler"), ni Mona Lisa ("une pute moche"), ni Bruce Springsteen, qu’il imagine se masturbant sans cesse, ni Quentin Tarantino ("un imposteur"), ni Jim Morrison ("très mauvais poète"), ni aller au cinéma.
Mais alors qu’aime Goad ? Lui-même, tout d’abord. C’est un Narcisse de première catégorie, qui se voue un culte à lui-même, capable par exemple d’expliquer que s’il n’est plus intervenu sur son site depuis deux jours, c’est parce qu’il est trop occupé à se photographier la queue avec son nouveau téléphone portable. Il s’amuse à en rajouter mais ne dédaigne pas de se présenter parfois sous des jours désavantageux. Il aime bien le café, les voyages (il déclare en septembre 2003 avoir visité 48 états et 14 pays), la musique country et rockabilly, l’acteur Jack Nicholson (surtout dans Five easy pieces), la bizuteuse Lynndie England, la ministre Condoleezza Rice.
Interrogé (par David Nolte en 1999) sur ses goûts littéraires, Goad cite les journalistes Tom Wolfe et Hunter Thompson, les classiques Dickens, Dostoievski, Kafka, Machiavel et les Upanishads, les essayistes Norman Mailer et HL Mencken, ses amis Peter Sotos et Adam Parfrey, le Manifeste de Unabomber. Parmi les écrivains noirs, il mentionne ironiquement le poète antisémite LeRoi Jones, le violeur militant Eldridge Cleaver, et le proxénète Iceberg Slim, idole des rappeurs.

Il confie, dans un auto-interview : "Ce que j’écris, c’est en partie sérieux, en partie de la blague, en partie les deux à la fois". Ah, Seigneur, encore un ambigu. Déjà ce nom de Goad, comme un hybride bizarre de Good et de Bad...

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Commentaires
H
Par ces temps de lectures arides, je découvre par votre entremise cet auteur que je ne connaissais pas le moins du monde. Je tenais donc à vous remercier, car ce Jim Goad -du peu que j’ai lu- me plais beaucoup. Si vous avez d’autres trouvailles du genre sous la main, je vous remercie d’avance de nous les faire partager.
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T
Y a-t-il un éditeur dans l'assistance ?
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C
Personnage des plus intéressants ! Bien sûr, il n'aime ni Bukowski, ni le jazz, ni l'alcool, mais... personne n'est parfait.<br /> Merci de nous avoir fait connaître cet oiseau rare.
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