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Journal documentaire
24 août 2007

Le Brésil revisité - (2/4 : Botanique)

Ce n’est que des années après mon premier séjour brésilien, que j’ai étudié quelque peu la botanique, notamment les arbres, aussi j’étais curieux de savoir comment je reverrais la végétation locale, ainsi averti. Mon intention n’était nullement d’accomplir un voyage scientifique et d’arpenter le pays une loupe à la main, je voulais juste observer en dilettante ce qui se présenterait à moi au fil du temps.

Je me demandais s’il y aurait beaucoup de plantes identiques, ou seulement semblables, à celles de l’Europe. Mais non, rien ne m’était familier, tout m’était inconnu, mon savoir d’ici ne me servait qu’à constater mon ignorance de là-bas. Il poussait bien une hera tapissant les murs à la façon du lierre, mais sans les mêmes feuilles. Et un buisson aux tiges épineuses de rosier, mais aux fleurs différentes. Et un arbre qui avait l’écorce du platane, mais seulement l’écorce.

On voyait pousser en plein air, dans la rue, les plantes qui chez nous sont d’intérieur. Certaines prenaient ici la proportion de beaux arbres, comme le figuier pleureur (Ficus benjamina) ou le caoutchouc (Ficus elastica). Il y avait beaucoup de plantes grasses ou épineuses, tous les cactus, yuccas, et yuccactus imaginables. La langue de belle-mère (Sansevieria) s’appelait ici également língua de sogra, ou épée de saint Georges. J’ajoutai à la liste des beaux noms tupis que j’essaye de retenir la samambaia, désignation commune aux espèces de fougères.

«Minha terra tem palmeiras», chantait jadis Gonçalves Dias, «Mon pays a des palmiers, Où chante le sabiá, … A Dieu ne plaise que je meure, Avant de retourner là-bas.» Nous n’avons je crois ni vu, ni entendu la grive sabiá, mais nous ne pouvions ignorer les palmiers omniprésents. Je ne peux pas dire que j’aie appris à connaître ces arbres, dont je n’identifiais que les évidents cocotiers (Cocos nucifera), mais je n’ai cessé d’admirer leurs différentes formes. Palmiers élancés ou trapus, palmiers déhanchés ou au garde-à-vous, palmiers au pied renflé ou au col vert clair, palmiers au tronc hérissé de tiges, ou garni d’écailles disposées en spirale, palmiers aux palmes en touffe ou parfois en éventail. Je n’aimerais pas aller vivre sous les tropiques, mais s’il le fallait, la vue des palmiers me serait sûrement une consolation.

Ce sont de drôles d’arbres : au contraire des figuiers, qui n’ont pas de vrai tronc, mais seulement des branches qui sortent directement du sol, les palmiers n’ont qu’un tronc, et leurs palmes sont d’immenses feuilles composées, plutôt que de vraies branches. Les palmiers sont à peu près tous beaux, certains sont d’excellents arbres d’alignement. Dans le jardin de la pousada, à Rio, il y avait un vieux palmier mort, qui avait perdu ses palmes, mais continuait de dresser une impressionnante colonne.

Les palmiers ont différentes utilités alimentaires ou industrielles, selon les espèces. Ils peuvent donner du bois de construction, ou des perles pour les boucles d’oreilles et les colliers : fragments de coquille de noix de coco polis, petites graines rondes d’açaí (Euterpe oleracea), grosse graine marmoréenne de jarina (Phytelephas macrocarpa) ou de jupati (Raphia vinifera).

Un soir que nous étions sur l’avenue du bord de mer, une noix de coco tomba du haut d’un grand palmier sur le trottoir, en faisant assez de bruit pour que tout le monde se retourne. Un homme la ramassa pour la poser plus loin. Les gens n’avaient pas l’air d’en faire grand cas, alors que ce projectile aurait pu occasionner de sérieuses blessures, ou même tuer, s’il était tombé sur la tête de quelqu’un. Je racontai l’incident à quelques personnes. On me dit ne pas avoir souvenir de cas grave, et que l’on coupait ordinairement les noix avant qu’elles n’arrivent à maturité, pour pouvoir profiter de leur «eau».

Je profitai souvent de l’«água de coco» que l’on peut acheter un peu partout sur les trottoirs, ou dans les bars. Certains marchands coupaient le haut de la grosse noix verte en quelques coups de machette, d’autres l’ouvraient avec une sorte de lame munie d’un manche perpendiculaire, un peu comme les tire-bouchons. On buvait alors avec une paille ou deux cette «eau» bien fraîche, légèrement parfumée. Des marchands ambulants vendaient aussi de bons épis de maïs bouillis.

Dès le premier jour j’appris à connaître un arbre que l’on voit partout, notamment sur le front de mer à Fortaleza, où il est pratiquement la seule espèce autre que les palmiers, mais aussi bien à Rio. Une dame avec qui nous liâmes conversation dans la rue, et que j’interrogeai à ce propos, déclara d’abord ne pas savoir, puis crut se rappeler qu’il s’agissait d’une sorte d’amendoeira, toutefois différente de l’amandier proprement dit. De retour à l’appartement, je poursuivis cette maigre piste dans un exemplaire en ruine de l’excellent dictionnaire brésilien Aurélio. On y mentionnait en effet, après l’amandier classique (Amygdalus communis) (ce n’est pas tant que l’amande soit un fruit en forme d’amygdale, c’est l’amygdale qui est la glande en forme d’amande), une certaine amendoeira-da-praia (Terminalia catappa). L’amandier «de la plage», c’était bien lui. (J’apprends qu’il se nomme en français badamier et que les amateurs se servent de ses feuilles brillantes, plus grandes que la main, pour purifier l’eau des aquariums).

Dans un jardin du centre de Fortaleza, le Passeio público, nous eûmes la surprise de découvrir un antique baobab africain, énorme et gris comme un éléphant. Il était classé au patrimoine et de ce fait, comme l’indiquait un écriteau, «imune ao corte», interdit de coupe.

J’ai cherché dans plusieurs librairies des guides de naturaliste, sur la faune ou la flore, avant de me rendre à l’évidence que c’était une denrée rarissime dans le pays, voilà un créneau que je signale aux éditeurs entreprenants. Je cherchais de préférence quelque chose sur les arbres. Je ne pouvais envisager l’achat de l’énorme encyclopédie Arvores do Brasil, comptant au moins deux lourds volumes hors de prix. Je finis par me rabattre sur un assez beau livre anglais que je dégottai à la librairie Siciliana du «shopping» Iguatemi. Il s’agissait de Trees : an illustrated identifier, de Tony Russell et Catherine Cutler (Hermes House, 2003), avec des notices joliment illustrées portant sur quelque 600 arbres du monde entier. L’ouvrage est divisé en deux parties principales, l’une sur les zones tempérées, l’autre sur les tropiques. C’est dans ces pages qu’à défaut d’étudier, je me suis quelque peu instruit, en tout cas agréablement promené.

Le point faible de ce bon livre était de n’avoir qu’un index, des noms communs des arbres en anglais. A mes moments perdus, pendant les deux jours qui suivirent l’achat, je constituai donc l’index des noms latins, qui m’était naturellement plus utile. Je pus ainsi me renseigner sur plusieurs espèces en suivant cette procédure : j’obtenais d’un interlocuteur le nom local plus ou moins certain d’un arbre, puis j’allais m’en assurer dans  l'Aurélio, qui indique aussi les noms latins, et de là je me reportais à mon guide anglais.

En consultant ce volume, j’ai réalisé combien la flore brésilienne est maintenant une flore cosmopolite. Je suppose qu’il en va de même dans tout le monde tropical, au sein duquel les voyageurs n’ont eu de cesse, depuis quelques siècles, de transplanter d’un pays à l’autre tout ce qui était transplantable. C’est ainsi que beaucoup d’arbres, maintenant communs au Brésil, proviennent en fait de l’Afrique ou de l’Asie. J’ai même lu ailleurs que le bananier, pourtant répandu jusqu’au fin fond des forêts sud-américaines, est en réalité d’origine orientale. Quant au palmier cocotier, il est depuis si longtemps cultivé tout autour de la zone tropicale, que les botanistes ne savent dire d’où il vient.

J’obtins par hasard un autre livre à Rio. Dans la petite partie du Jardin botanique que nous avons visitée, il y avait une bibliothèque spécialisée dans la botanique. Nous y entrâmes par curiosité et engageâmes la conversation avec la bibliothécaire, que notre irruption étonnait. Quand elle sut que je m’intéressais aux arbres, elle m’offrit un guide des Arvores do Jardim botânico do Rio de Janeiro,  publié par ledit jardin en 1993. Cet ouvrage austère présente une centaine d’espèces, uniquement illustrées de photos d’écorce en noir et blanc.

On voit bien sur les plans de Rio que cette ville ne fait encore que s’étaler de part et d’autre de l’énorme massif forestier de la Tijuca, à l’est duquel émerge le piton du Corcovado, et dont le Jardim botânico n’est qu’une petite enclave méridionale. Les arbres ont une importance particulière dans certains quartiers, comme ceux qui poussent sur les trottoirs de Copacabana et plongent les rues dans une pénombre de sous-bois. Le Largo do Machado aussi est une place remarquable par sa concentration de palmiers monumentaux et d’autres grands arbres.

Il y avait sur le Largo do Machado et autour de l’université de grands arbres portant des boules marron, de la grosseur d’un melon. C’est le Couroupita guianensis, qu’on appelle ici abricó de macaco, soit «abricot des singes», et auquel les Anglais donnent le nom suggestif de cannonball tree.

Il y avait rue Pompeu Loureiro un énorme açacu (Hura crepitans) classé au patrimoine car c’était le plus vieil ou l’un des plus vieux arbres urbains de Rio. Il poussait devant la résidence d’Antonio, laquelle, pour le préserver, avait été construite un peu en retrait de l’alignement, et jouissait en revanche du droit exceptionnel de s’élever à quelques étages plus haut que les autres bâtiments de Copacabana, si bien qu’Antonio, depuis son balcon du dix-septième et presque dernier étage, avait vue jusqu’à la mer, à plusieurs rues de là.

A Preá Fábio m’apprit aussitôt à reconnaître les arbres qu’il connaissait bien, c’est-à-dire les arbres utiles. Le cajueiro (cajou) aux feuilles semblables à celles des amendoeiras mais plus petites, le mamoeiro (papayer) aux feuilles découpées, la mangueira (manguier) aux feuilles allongées.

Dans la part végétale de notre alimentation, il y eut de la purée au miel, de la farine de maïs appelée cuscus, du gâteau à l’ananas, de la pâte de goyave, du riz et des haricots de diverses façons, dont du riz mélangé à des haricots sous le nom de baião de dois («bahianais de deux»), trente-six préparations salées et sucrées à base de manioc, gâteau à la farine de manioc, purée de manioc, crêpes blanches de manioc, frites de manioc nommées macaxeira, etc.

Parmi d’autres fruits, nous goûtâmes les aigres carambolas jaunes, les acides acerolas à l’aspect de cerises, les goyaves plus amères et fades que je n’aurais cru, les bons kakis, les délicieuses mangues à la chair jaune, les excellents ananas à la chair plus blanche que ceux qu’on achète chez nous. On nous servit une fois la cachaça versée dans la pulpe d’un ananas ouvert en haut et partiellement évidé, et on la buvait à travers une  pipe de gaúcho, tube métallique renflé au bout en une sorte de  petite boule à thé aplatie. Je ne sais plus quel goût il avait, mais si j’ai bien compris, c’est le fruit nommé en portugais mamāo, que l’on appelle en français papaye.

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Commentaires
P
Jean-Mi, qui connaît bien les Philippines, me confirme qu'en effet les accidents mortels avec les cocotiers existent.
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P
Je t'ai envoyé un mail à trois adresses différentes.
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P
Je m'attendais un peu à ce que des commentaires de connaisseur viennent de ton côté. Quand te décideras-tu à nous raconter ce que tu fabriquais aux Antilles, tu es né là-bas, peut-être. Et puis quelles Antilles, d'abord, il y en a plein.
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P
Il ne faut bien entendu ne pas confondre l'eau de coco et le lait de coco. Ce dernier provient de la pulpe qui se trouve à l'intérieur de la noix, ppulpe qui atteint son maximum alors que la noix est devenue séche. La pulpe est alors broyée afin d'en extraire le fameux "lait". Lorsque la noix est top séche, l'eau de coco est alors particulièrement aigre.<br /> Sur les goyaves, celles que tu as mangées devaient être pas assez mures...A noter par ailleurs que la goyave a la particularité de provoquer la constipation, alors que la papaye possède de grandes vertues laxatives.<br /> Idem aux Antilles sur le riz et les haricots rouges, les abricots (abricots-pays) dont le noyau est de la taille des abnricots d'ici et la chair fort agréable. On la mange avec du vin sucré
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