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Journal documentaire
24 mai 2007

Lettre documentaire 390

UNE DROLE DE JOURNEE

par Charles Bukowski

c’était une de ces journées chaudes et fatigantes à Hollywood
Park
avec une foule énorme, une
foule
fatigante, malpolie, idiote.

j’ai gagné à la dernière course, je suis allé toucher la somme et quand
je suis retourné à ma voiture
il y avait un immense embouteillage
en direction de la sortie.

alors j’ai enlevé mes chaussures, je me suis assis, j’ai attendu, allumé la
radio, par chance de la musique classique, j’ai trouvé
un flacon de whisky dans la boite à gants, je l’ai
débouché, j’ai bu un
coup.

Je vais les laisser tous partir, pensais-
je, puis je m’en
irai.

j’ai trouvé les trois quarts d’un cigare, je l’ai allumé, j’ai repris un coup
de whisky.

j’écoutais la musique, je fumais, je buvais le
whisky et je regardais les perdants
partir.

il y en avait même qui jouaient aux dés
à environ 100 mètres à
l’est

puis ça
s’est dispersé.

j’ai décidé de terminer le
flacon.
après quoi, je me suis allongé sur la
banquette.

je ne sais combien de temps j’ai
dormi
mais quand je me suis réveillé il faisait nuit et
le parking était
vide.

j’ai décidé de ne pas remettre mes chaussures, j’ai démarré
et je suis sorti de
là…

quand je suis arrivé chez moi j’entendais le téléphone
qui sonnait.

pendant que je tournais la clé et que j’ouvrais la porte,
le téléphone continuait
de sonner.

je suis allé le
décrocher.

« allo ?

- fils de pute, tu étais
où ?

- aux courses.

- aux courses ? il est minuit et demi ! je
t’appelle depuis
7 heures !

- je rentre juste des
courses.

- tu es avec une
femme ?

- non.

- je te crois pas ! »
elle a raccroché.

je suis allé au frigo, j’ai pris une bière, je suis allé dans
la salle de bain, j’ai mis l’eau à couler dans la
baignoire.
J’ai fini la bière, j’en ai pris une autre, je l’ai ouverte et
je suis entré dans la
baignoire.

le téléphone a sonné
de nouveau.

je suis ressorti de la baignoire avec ma bière et
tout en dégoulinant
je suis allé décrocher le
téléphone.

« allo ?

- fils de pute, je te crois
toujours pas ! »

elle a raccroché.

Je suis retourné dans la baignoire avec ma bière,
en laissant encore une traînée
d’eau.

quand j’ai été réinstallé dans la baignoire
le téléphone a sonné
de nouveau.

je l’ai laissé sonner, en comptant les
coups : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,
10, 11, 12, 13, 14, 15,
16 …

elle a raccroché.

trois ou quatre minutes, peut-être,
se sont écoulées.

puis le téléphone a sonné
de nouveau.

j’ai compté les sonneries :
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8,
9 …

puis le calme
s’est installé.

alors j’ai pensé que j’avais
laissé mes chaussures dans la
voiture.
peu importait, sauf que c’était ma
seule paire.

il était probable, cependant, que personne
ne voudrait jamais voler cette
voiture.

je suis ressorti de la baignoire pour aller me chercher une autre
bière,
et j’ai laissé encore une traînée d’eau
derrière moi.

c’était la fin d’une
longue
longue
journée.

«A strange day», poème de The last night of the earth poems  par Charles Bukowski (Santa Rosa : Black Sparrow Press, 1992) traduction Philippe Billé .

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