Sur Piaf encore

Le méchant portrait d’Edith Piaf, que j’avais reproduit dans ce blog le 14 février, a suscité chez les lecteurs une assez vive controverse, comme on a pu le voir ici, et comme on peut encore le constater là. Je suis frappé de la fureur des réactions à ces quelques lignes de Michel Ciry. J’avancerais deux arguments pour y répondre. D’une part, que le diariste ne reproche pas à la chanteuse sa laideur, il s’étonne seulement de l’adulation qu’elle provoque, alors qu’il ne lui reconnaît qu’un piètre talent, et qu’il lui trouve un physique ingrat (car il serait peut-être injuste, mais moins surprenant, qu’une beauté parfaite, mais sans autre vertu, entraîne l’engouement). D’autre part, je ferais observer qu’il est d’usage, dans un écrit pamphlétaire, de jouer de l’outrance en forçant quelque peu le trait. Or en feuilletant de nouveau l’ouvrage d’où provient ce paragraphe terrible (Amour et colère : Journal 1972-73, Plon 1976), je remarque deux passages en rapport avec la question. Il y a au 22 mars 1973 un développement sur la difficulté «de se défendre du pouvoir des apparences», dans lequel l’auteur observe qu’à la fois la beauté physique peut être le révélateur ou l’émanation de la beauté de l’âme, mais qu’aussi bien l’apparence, belle ou laide, peut ne donner qu’une idée trompeuse de la qualité spirituelle. Le 2 novembre, considérant sans fausse modestie ses capacités et ses limites dans l’art d’écrire, il constate que «plus d’une page de ce journal a le ton du pamphlet» mais qu’il se sentirait incapable de consacrer un livre entier à un seul sujet, préférant livrer ses «diverses réactions» et «dire ce qu’il pense sur maintes choses».