Points de vue et images du monde

Un ami m’a écrit, pour m’avouer que c’est lui qui, sous un pseudonyme, a laissé un commentaire sibyllin au portrait d’Edith Piaf par Michel Ciry, que j’avais reproduit voilà deux semaines, le mercredi 14. Si je n’avais eu que ça à faire, mais ce n’était pas le cas, j’aurais pu passer un moment à me demander si ce commentaire était du lard ou du cochon, et où son auteur voulait en venir. Je suis maintenant averti que c’était bel et bien de l’ironie, et qu’en vérité mon lecteur a trouvé la page en question «plate et mal fichue». Ah. Je prends acte de cet avis, sans pouvoir m’y rallier. En relisant l’argumentaire, le seul point qui me paraisse incontestable est qu’en effet, le diariste a eu la faiblesse de répéter l’adjectif «intégral». Mais la belle affaire, est-ce tellement grave ? Pour le reste, je vois dans le paragraphe de Ciry, qui sait parler avec fermeté sans avoir besoin de mitrailler son auditoire avec des points d’exclamation, un texte exprimant clairement, dans une syntaxe parfaite, avec un vocabulaire varié, une opinion pas si commune, et assez proche de la mienne. Si c’est là de la platitude, nous dirons que c’est le genre de platitude qui suffit à ma joie, et Dieu sait si tous les écrivains chez qui j’ai cherché la joie sont loin de m’en avoir procuré autant que celui-ci. Je suis embêté mais c’est ainsi, chacun voit, n’est-ce pas, midi à sa porte. On ne peut avoir d’amitié pour quelqu’un, avec qui l’on n’est d’accord sur rien, mais on ne saurait non plus s’attendre à ce qu’un copain soit un parfait alter ego (cela risquerait même d’être assez ennuyeux).
Là-dessus, j’apprends qu’un autre lecteur s’est amusé à reproduire la même page de mon blog dans un forum, où elle a déclenché une polémique. Je n’ai pas non plus le temps, ni la patience, d’examiner attentivement tous les arguments exposés. J’ai l’impression que dans l’ensemble, ce lectorat-là se plaint moins de la platitude, qu’au contraire, de la véhémence de Ciry, jugée excessive. Je dirais que son texte n’est sûrement pas exempt de méchanceté, notamment dans son attaque de l’aspect physique de la chanteuse. Mais peut-on prendre le ton du pamphlet sans être quelque peu outrancier ? Et la cible de l’auteur, avant le personnage en question, n’est-elle pas la «divinisation hystérique» dont il fait l’objet ?