Divineries
Non seulement le christianisme a fragmenté le dieu unique en une mystérieuse trinité, mais il a institué ou permis un culte des saints, que leurs pouvoirs surnaturels élèvent au rang de demi-dieux, que l’on invoque, à commencer par Marie, évidente déesse. Cela fleure le polythéisme et ce n’est pas sans charme. Le monothéisme n’en sort peut-être pas renforcé, mais sans doute embelli. J’admire l’immense floraison artistique suscitée par les vies de saints, j’admire l’exemple moral qui s’en dégage, sans éprouver la foi pour ma part, et sans la rechercher. Mais à l’inverse, le sacré n’imprègne-t-il pas mes révérences profanes, le petit panthéon personnel de ceux dont j’étudie, traduis, inventorie ou commente les œuvres, ceux dont j’entretiens le souvenir et dont je recherche les traces. Sans doute ainsi obscurément chacun de nous a son culte des personnalités, celles-ci plus ou moins choisies, celui-là plus ou moins fin, nous brûlons toujours de l’encens.