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Journal documentaire
6 février 2007

Wenceslau de Moraes

Wenceslau de Moraes (dont le nom peut aussi s’écrire Venceslau de Morais) fut le plus asiatique des écrivains portugais. Né en 1854, il devint officier de marine et fit plusieurs voyages lointains avant de se fixer en Extrême-Orient. Il se rendit une première fois en 1885 à Macao, où il devait ensuite résider de 1891 à 1898. Il y avait des responsabilités à la capitainerie et enseignait au lycée. Il épousa là une Chinoise, Vong-Io-Chan, dite Atchan, dont il eut deux enfants. En 1899, nommé consul de Portugal à Kobe et Osaka, il abandonna femme et enfants pour aller s’installer au Japon. Il s’y lia avec une certaine O-Yoné Fukumoto, qui mourut de maladie en 1913. Affecté par ce drame, Wenceslau démissionna et se retira dans le pays natal de la disparue, à Tokushima. Il y vécut avec une nièce d’O-Yoné, Ko-Haru, qui finit elle aussi emportée par une maladie. Le Portugais passa ses dernières années dans la solitude, en butte, lis-je sans en savoir la raison, à une croissante hostilité des Japonais. Il mourut des suites d’une chute, le premier juillet 1929. Epris de culture japonaise, il en était devenu un fin connaisseur et l’avait évoquée dans un grand nombre d’articles et de lettres, ainsi que dans quelques livres écrits, selon ses dires, «par pur passe-temps». En en feuilletant quelques-uns, j’ai aperçu des photos du personnage, certaines de l’âge mûr, où son beau visage était déjà barbu et surtout moustachu, d’autres de la vieillesse, où il portait la barbe longue. J’apprends à cette occasion que les Japonais, peu poilus, tenaient pour barbares les barbus, comme l’étaient les étrangers, ainsi que les Aïnous, premiers occupants de l’archipel.
J’ai passé quelques soirées à fureter dans le volume Os serões no Japão («Veillées du Japon»). C’est un recueil d’articles. Le plus délicieux est sans doute le dernier, portant sur «Le paysage japonais», qui laisse à entendre que la contemplation d’un beau paysage est (ou était) chez ces gens une sorte d’habitude culturelle, y compris parmi le peuple.
L’article qui a le plus retenu mon attention était consacré au «Iroha no datoé», selon l’auteur un jeu de cartes pour enfants, destiné à leur faire mémoriser les 48 sons de base d’une sorte d’alphabet syllabique (correspondant peut-être à ce que je vois désigner sous le nom de Hiragana, sur le net?). Le jeu comporte deux séries de 48 cartes, qu’il s’agit de faire coïncider. Sur les unes figure un proverbe ou une expression commençant par une de ces syllabes, sur les autres une illustration de ladite formule. L’essentiel de l’article de W de Moraes consiste à reproduire les 48 petites phrases en japonais, suivies chacune par sa traduction en portugais, et quelque commentaire. J’en rapporterai ici quelques unes, qui me plaisent ou m’intriguent :
I – «Il dit non, il dit non, mais il vide trois verres.»
IV – «Jeune homme détesté, jeune homme fortuné.» Au sens où recevoir peu d’estime serait une incitation à être plus entreprenant.
V – «Ne gifle pas le Bouddha plus de trois fois.» Sous-entendu, même lui va se mettre en colère, faut pas trop pousser Pépé dans les orties.
VI – «Le long sermon du bonze ignorant». En effet, commente Moraes, c’est des ignorants et des idiots que l’on doit attendre les discours les plus prolixes.
XIII – «Dans la maison où l’on rit, entre la fortune.» Ce doit être pour ça que je ne fais pas fortune. Ma grand-mère avait un proverbe à peu près inverse, ou complémentaire : «Quand on se désole, tout va mal.»
XIV – «Fais parcourir le monde, au fils que tu estimes.»
XV – «Dans le noir, au loin, à moitié cachée par un chapeau de pluie.» Selon Moraes, ce seraient trois circonstances dans lesquelles une femme laide peut paraître belle. Il en rapproche notre «La nuit, tous les chats sont gris».
XIX – «Au clair de la lune, la marmite peut être volée.» C’est-à-dire que le malfaiteur peut profiter du moindre avantage.
XXII – «Pendant qu’on fait des projets pour l’année nouvelle, le diable rit.»
XXIII – «Le vent sur les oreilles d’un cheval.» Pour désigner un propos qui laisse indifférent.
XXIV – «Mieux vaut l’éducation qu’un nom de famille illustre.»
XXV – «Même une tête de sardine peut servir d’objet de culte.» Pour Moraes, cela voudrait dire que la foi est plus importante que la divinité.
XXVI – «Si l’on te demande le burin, apporte aussi le marteau.»
XXXVII – «Le singe aussi, peut tomber de l’arbre.»
XXXIX – «Révérences du vent de la côte». C’est parce que le vent les y oblige, que les arbres se courbent, et non pour nous saluer. Moraes rapproche de cette expression les «larmes de crocodile.»
XLIII – «Se mettre à danser sous l’escalier.» Alors, observe Moraes, la danseuse ne sera ni vue, ni donc félicitée.
XLVIII – «Dans la ville, il y a aussi le village.»

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