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Journal documentaire
30 septembre 2006

Lettre documentaire 355

PORTRAIT DE L'AUTEUR

(Dans son Semainier de l'incertitude, écrit en 1968 (et paru à L'Age d'Homme en 1994), Albert Caraco a inséré ici et là  un "Portrait de l'auteur" (donc de lui-même) en diverses langues, parmi lesquels un en espagnol page 144, dont voici un essai de traduction par Philippe Billé.)

    Je suis méprisant de nature et je ne m’intéresse pas aux gens, je ne regarde presque personne et mes yeux passent à travers tout. Nul ne peut m’offenser, je suis si flegmatique que les éloges ne sauraient m’émouvoir et pour le dire enfin, je ne vis qu’à demi. J’aime rester coi des heures et des heures et si je dois parler, que ce soit avec un homme de valeur et bien né, mais pas avec des femmes. Il me semble que la pierre angulaire de toute courtoisie est le calme, et lorsqu’il manque, tout l’édifice s’écroule : il n’est homme plus tranquille que celui qui se dépeint ici et malgré tout son flegme il est assez désinvolte, second point de la courtoisie. De la grandeur, j’en ai aussi à ma façon, il y suffit de ne point désirer ni de craindre. Calme, désinvolture et grandeur procèdent l’un de l’autre, la source étant le calme, sans quoi rien ne s’atteint. Je suis courtois sans aucun doute et il me semble que le Salut est une image du divin, l’Ecriture cependant est pour moi l’école du mauvais goût, ses personnages sont pesants et pathétiques, et j’irais jusqu’à dire qu’il ne faut pas même imiter le Christ, qui fut fâcheux et pleurnichard. Pilate, lui, était grand seigneur, sceptique, froid et mesuré, de plus grand style que le Sauveur et l’on voit clairement qu’il ne croyait en rien, preuve qu’il était bien né et mieux encore éduqué. Ma devise est : ni Vanité, ni Voluptuosité, car toutes deux nous asservissent, l’une nous enchaîne à l’opinion, l’autre à la chair, mais l’opinion est bien inconstante et la chair bien pesante, et lorsque nous sommes pris entre l’inconstance et la pesanteur, nous n’éprouvons rien de moins que l’Enfer. Sans l’imagination, la sensualité perd ses ailes et se sépare entre mécanique et attachement, la première est plus ou moins sage, le second plus ou moins fort, tous deux sont au-dessous, bien au-dessous des rêves qui naissent chez les jeunes et les chastes.

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