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Journal documentaire
29 juillet 2006

Allégorie de la boîte esquintée

Je me suis chopé, comment dire, une sorte de vice éthique, voilà des années, en faisant mes courses dans un supermarché. Comme je passais dans un rayon, un vieillard me pria d'attraper pour lui une boîte d'aliments restée seule perchée sur la plus haute étagère, hors de sa portée. Je lui rendis volontiers ce service. Je ne sais plus si c'était une boîte en métal ou en carton, mais je me rappelle qu'elle était abîmée comme si elle avait reçu un choc, raison pour laquelle, sans doute, nul n'en avait voulu. J'en fis la remarque au monsieur. "Oh, me répondit-il de sa petite voix, c'est assez bien pour moi", ou quelque chose comme ça. Sur ce, nous nous séparâmes, mais je continuai de songer à la scène. La réaction du vieil homme me surprenait, j'avais du mal à la comprendre. Elle témoignait d'une belle humilité, mais qui me semblait excessive et vaguement répugnante. J'aurais tout fait, à sa place, pour avoir un emballage impeccable, quitte à aller chercher dans un autre magasin. A quelque temps de là, cependant, faisant mes courses de nouveau, j'allais me servir dans une étagère bien remplie, quand j'avisai, parmi les boîtes en parfait état, une qui était un peu déformée, le coin écrasé. Or par un tour mystérieux ma main se tendit vers elle et s'en saisit, de préférence à ses voisines intactes. Qui plus est, je m'aperçus que j'éprouvais à cela une satisfaction apaisante. Je ne le savais pas encore, mais je devais bientôt m'apercevoir que j'avais pris dès lors un pli moral durable, qui ne m'a pas quitté. Voilà comment je suis devenu, pour ainsi dire, la providence des étalagistes. Ce qui ne suffit pas, hélas, à faire de moi un saint.

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