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Journal documentaire
11 juillet 2005

Rude lundi. Nous sommes à 7 heures du mat à

Rude lundi. Nous sommes à 7 heures du mat à l'aéroport de Mérignac. Pour l'occasion, j'ai remis en fonction la seule valise que je possède, une vieille valise en carton grise et noire, qui a bien quarante ans d'ancienneté, un peu râpée sur les coins, mais elle me paraît indestructible. Quand je m'en servais autrefois j'avais l'habitude de l'entourer avec une longue ceinture en cuir de l'armée, pour être sûr qu'aucun choc ne la fasse ouvrir. Le problème est que l'hiver dernier, j'ai jeté cette ceinture après l'avoir trouvée couverte de moisi, à cause de l'humidité charentaise. Je pensais avoir mis au point une alternative folklorique mais efficace en utilisant à la place un grand bout de ficelle de sisal. Arrivé à Talence j'ai bien senti chez ma petite camarade comme une réticence, à la vue de la valoche et de la ficelle (j'avais l'air d'un clodo, etc). On a mis tout ça sur la table de négociation et on a coupé la poire en deux. J'ai gardé la valise en renonçant à la ficelle (j'ai pris à la place une de mes ceintures actuelles, qui pouvait faire l'affaire en y perçant juste un trou supplémentaire).
A l'enregistrement des bagages, je constate qu'Air France m'appelle BILLE/PHILIPPEMR. Je serai toujours déconcerté par les cultures différentes. Il y a des prospectus rigolos, comme celui qui donne la liste des "Marchandises dangereuses", c'est-à-dire des objets interdits. Au cas où il nous viendrait à l'idée de prendre l'avion avec une bombonne de gaz, un jerrycan d'essence ou un lance-roquettes.
En embarquant on pouvait prendre des journaux gratuitement. J'emportai ainsi Sud Ouest (une valeur sûre, pour la page des faits divers, qui me régale toujours) et Libération (à seule fin de vérifier sans payer que ce journal n'est décidément plus fait pour moi).
Air France affiche un slogan qui dit "Faire du ciel le plus bel endroit de la terre". Avec moi, ils ont du boulot. Le vol m'a plu autant que je m'y attendais, c'est-à-dire pas du tout. Il ne faut plus que je fasse ça. C'est un transport de bétail humain aussi nul que les autres, avec cette circonstance aggravante que l'on s'y trouve fort loin de mon biotope naturel, savoir le sol. Des hôtesses au sourire niais vous expliquent le maniement du matériel de sauvetage en faisant des gestes ridicules, on vous sert des breuvages et des aliments médiocres, et en cours de route le pilote juge opportun de vous donner des précisions rassurantes comme "nous sommes actuellement à 8000 mètres d'altitude" (merci du renseignement).
Et je n'étais pas au bout de mes peines, puisque le voyage devait se faire en deux parties, avec changement d'aéroport à Paris. Air France ne peut pas nous emmener directement de Bordeaux à Prague, mais elle peut nous taxer de 16 euros supplémentaires pour nous transporter en bus d'Orly à Roissy (demi-tarif pour la race bichonnée des étudiants, dont je m'honore de ne plus faire partie). D'autres journaux nous étaient offerts là. Je pris le Daily Mail.
Ce deuxième vol, qui s'annonçait plus long que le premier, me plaisait d'avance, et il acheva de me rendre l'aéroportation sympathique, car toute la fin du trajet se fit au milieu d'un orage qui secouait l'avion comme un prunier, avec des coups de tonnerre plus bruyants que les moteurs. Mystérieusement, je m'étais mis à m'en foutre, plongé dans une double page historique du quotidien anglais, où l'on racontait comment, dans le début des années 50, la femme féministe d'un grand leader travailliste s'était fait violer, un beau soir d'absence du mari, par le fameux romancier anti-communiste Arthur Koestler. "Il la prit par les cheveux et la tira brutalement vers le bas", voilà qui relativisait quand même un peu mes misères. Pire encore, à ma grande surprise, on révélait que Koestler était coutumier du fait. Poussé par une vitalité incontrôlable, il se trimballait partout avec un terrible gourdin et sautait sur tout ce qui bougeait.
Fort heureusement, et fort aimablement, le cher Lloyd était venu nous attendre à la sortie, pour nous guider dans ce pays parfaitement inconnu de nous, et dont nous ignorions la langue au point de ne savoir comment dire "oui", "non" ou "au secours". Nous eûmes aussitôt une bonne initiation aux transports locaux, car nous nous rendîmes de l'aéroport chez notre ami en empruntant successivement le bus, le métro et le tramway. Lloyd occupe un appartement dans une grande cité vétuste mais fort calme du quartier de Holešovice, légèrement excentré, situé au nord de la vieille ville, dont il est séparé par le fleuve.
Chemin faisant, puis le soir au cours d'une promenade à pied, je remarquai que la végétation nous était familière: noyers, frênes, bouleaux, érables, acacias, tilleuls, etc. On voit en revanche plus de pinsons qu'en France, et plus familiers. Le sol est souvent revêtu de petits pavés noirs et blancs, et beaucoup de murs sont peints en jaune, ce qui ne me déplaît pas.

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