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Journal documentaire
26 juin 2005

Avec ma voisine Véro, nous consacrâmes

Avec ma voisine Véro, nous consacrâmes l'après-midi à un safari de brocantes, qui nous conduisit dans trois villages successifs. Tout d'abord à la Jarrie-Audouin, où je grondai gentiment ma coéquipière de m'offrir par surprise une musette que je convoitais. Ensuite aux Eglises d'Argenteuil, où Véro acheta un vieux collier pour sa jeune jument, et où j'acquis pour une bouchée de pain, ou disons pour le prix d'une baguette, un volume du Journal des Goncourt. Enfin à Marsais, où la canicule était à son comble et où plus rien ne nous tentait.
Avant de repartir, nous nous réfugiâmes quelques minutes dans la fraîcheur paisible de l'église Saint-Vivien. J'étais déjà entré dans ce bâtiment une fois, l'été dernier, mais je n'y avais pris que des notes hâtives sur les vitraux. Je m'accordai cette fois le temps d'en faire un relevé consciencieux. Cela prit un petit moment car la matière est abondante. Hormis les verrières du portail et du chevet, l'église est décorée d'un ensemble homogène mais assez complexe de vitraux qui garnissent les fenêtres latérales de la nef. Il y a quatre fenêtres de chaque côté, ce qui fait huit. Mais chaque fenêtre est divisée en deux lancettes, et chaque lancette comporte deux scènes, une dans la moitié supérieure et une autre au-dessous. Cela forme ainsi une collection de trente-deux scènes, dotées de légendes en français, que je recopiai, faute d'avoir prévu mieux, sur la couverture de mon chéquier.
Chez moi, le soir venu, au moment de reporter mes notes au propre, je me posai un problème de méthode. Devais-je établir mon relevé selon l'itinéraire que j'ai l'habitude de suivre pour visiter une église, ou bien me trouvais-je, comme il advient parfois, dans un cas où quelque raison exige de déroger à cette règle? Mon parcours usuel consiste à faire le tour de l'édifice à partir de l'entrée, généralement située à l'opposé du choeur, puis à suivre le côté gauche jusqu'au fond et à revenir en longeant le côté droit. Ce trajet présente à mes yeux l'avantage d'être celui ou l'un de ceux que l'on effectue le plus spontanément, quand l'architecture n'est pas compliquée. Je lui trouve en outre deux justifications, dont une pratique et une chronologique. D'une part, cela permet d'examiner les images, et le cas échéant de lire leurs légendes, en allant toujours de gauche à droite, ainsi qu'on le fait devant un livre. D'autre part, dans le plan classique des églises médiévales, certes pas toujours respecté dans les temps modernes, le côté gauche est celui du nord, donc moins bien éclairé, et pour cela dévolu à l'imagerie biblique, tandis que le côté droit, au sud, et plus lumineux, est réservé aux représentations évangéliques.
Dans le cas de Marsais, la première question que je me posai était de savoir si les huit fenêtres latérales se présentaient ou non selon un ordre détectable. Il semblait bien que oui. Malgré un certain déséquilibre entre l'Ancien Testament, auquel sont consacrées six fenêtres, dont toutes celles du côté gauche, et le Nouveau, auquel deux seulement sont réservées, je voyais bien qu'il y avait à une extrémité la Création du monde et à une autre le Jugement dernier, ce qui suggérait un ordre chronologique. Il convenait donc de regarder les fenêtres de Marsais d'abord sur le flanc gauche puis sur le droit comme j'en ai l'habitude, mais pour le premier en allant du choeur vers l'entrée, et pour le second en repartant de l'entrée vers le choeur.
Une deuxième question était de déterminer dans quel ordre doivent se lire les quatre tableaux compris dans chaque fenêtre. N'étant pas très calé dans la chronologie des Ecritures, je passai les heures de la soirée à examiner ce problème en feuilletant les deux Bibles dont je dispose dans cette maison, une Traduction oecuménique dont l'appareil critique et le sérieux scientifique m'inspirent confiance, et une Bible américaine peut-être moins fiable mais dotée d'un précieux index. Ayant ainsi peu à peu repéré les chapitres de la Genèse, de l'Exode et de plusieurs autres livres, d'où provenaient ces épisodes, je pus établir avec certitude le plan selon lequel étaient organisées toutes ces fenêtres, dans lesquelles la scène la plus ancienne est celle d'en haut à droite, après quoi les trois autres suivent en tournant dans le sens des aiguilles.
Ce divertissement studieux m'apportait la satisfaction que l'on éprouve à démêler une énigme, en même temps qu'il m'humiliait en me confrontant à mon peu de savoir. Aussi, lorsque tout fut établi avec certitude, j'accueillis comme une consolation cette dernière découverte: s'il m'avait fallu des efforts laborieux pour débrouiller le système iconographique de ces vitraux, ce n'était pas seulement à cause de mes lacunes. C'était aussi à cause de l'anomalie d'une des fenêtres, celle présentant les épisodes les plus anciens, et dans laquelle les deux lancettes ont été manifestement interverties, lors de la pose ou de quelque intervention ultérieure.
Après quoi je glissai dans les bras de Morphée en roulant de nouvelles incertitudes. Suis-je seul à savoir qu'en l'église de Marsais, les deux lancettes de la fenêtre nord-est sont interverties? Qui cela peut-il intéresser? Quelqu'un de mes lecteurs aura-t-il lu cette note jusqu'au bout? Qu'est-ce que tout ça peut foutre?

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Commentaires
E
J'aime bien votre blog, petite critique orthographique cependant : il faudrait distinguer pause et pose, taule et tôle (sur ce dernier point Larousse est plus laxiste que moi, je sais.)
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L
Trouvé cette relation foutrement intéressante.
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