Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal documentaire
30 avril 2005

A PROPOS D’UN FRANÇAIS LIBRE.Né en 1925 à

A PROPOS D’UN FRANÇAIS LIBRE.
Né en 1925 à Hasparren, au Pays basque, l’écrivain et cinéaste Jacques d’Arribehaude est l’auteur de quelques romans d’inspiration autobiographique, ainsi que de journaux intimes. Certains de ces journaux ont d’abord paru séparément, ils sont aujourd’hui disponibles sous la forme de deux forts volumes, aux éditions L’Age d’Homme : Cher Picaro (années 50) et Un Français libre (années 60). (Pour une bibliographie détaillée, se reporter au site internet à son nom). Les hasards de la vie de lecteur, et des nécessités secrètes, m’ont donné l’occasion de connaître, cet hiver, quelques uns de ces livres : les romans Semelles de vent et La grande vadrouille (lequel n’a heureusement rien à voir avec le film du même titre), et le recueil de journaux Un Français libre.
Comme souvent, ma préférence pour les récits personnels, par rapport à la fiction, s’est trouvée confirmée dans ces lectures. Etant fort occupé par ailleurs, ce n’est pas sans hésiter que je me suis engagé dans l’énorme pavé d’Un Français libre, comptant près de 900 pages bien tassées. D’autant que je ne suis pas spécialement friand d’histoires de cœur, c’est-à-dire de cul, lesquelles constituent l’essentiel de ces pages. Mais il faut convenir, comme un gentilhomme avisé me l’a fait remarquer, que "tout dépend de l’historien" ! Et en effet, si le premier mérite d’un livre est de ne pas ennuyer, celui-ci n’a pas démérité avec moi.
Avant la publication d’Un Français libre en 2000, trois de ses quatre parties avaient paru en livres séparés : Une saison à Cadix (années 1965-66) en 1997, L’encre du salut (1966-68) en 1998, Complainte mandingue (1960-62) en 1999. Seule restait inédite la deuxième partie, Le royaume des Algarves (1962-64), pourtant la plus haute en couleurs, avec ses folles intrigues. Malgré l’unité générale de l’ouvrage, puisque c’est toujours le même personnage que l’on suit, de pays en pays et d’affaire en affaire, dans sa quête erratique de lui-même et de l’âme sœur, ces parties relativement autonomes ont sans doute chacune un climat particulier. La seconde à mes yeux est la plus pittoresque, la troisième la plus méditative, la quatrième la plus désabusée.
Tout au long de ces neuf années, le plus très jeune homme, vaguement introduit dans les milieux de l’ethnologie et du cinéma (d’où les apparitions sporadiques de personnages comme Rouch, Ivens, Leiris ou Rohmer) recherche une insertion sociale durable, qu’il ne trouvera que tardivement. Parallèlement, il a aussi le plus grand mal à établir une relation affective stable. Ce n’est pas que les partis lui manquent, il fait mille rencontres. Ni que son cœur soit de pierre, il tombe au contraire amoureux sans cesse. Mais son destin oscille au gré des accidents, du tempérament des dames, ou de sa propre balourdise. On bout par moments de ne pouvoir intervenir, on voudrait lui dire mais enfin que fais-tu, Jacques, tu ne vas quand même pas tout foutre en l’air avec la belle Gabriela, simplement parce que voici la belle Jane qui vient se dandiner sous ton nez ! Et il le fait. Il y a comme cela tout au long de l’histoire un côté Liaisons laborieuses qui amuse, par les rebondissements incessants, en contrepoint de quoi d’Arribehaude poursuit sans relâche son implacable examen des consciences. Il a l’habileté de lester son récit de quelques éléments réalistes, évoquant à l’occasion de "très amoureuses fellations" ou d’autres gestes brûlants, sans toutefois tomber dans l’ornière de l’érotisme aux descriptions pesantes. Le ton reste léger mais n’est point frivole. Du reste l’auteur ne pérore jamais, ses introspections sont sans complaisance et ses autoportraits plutôt sévères (ne déclare-t-il pas écrire le "journal d’un idiot" ?).
Parmi les charmes secondaires de l’ouvrage, les nostalgiques de l’époque apprécieront l’ambiance des sixties, des années "deuche", bercées des échos d’Only you et de Perdido street blues. Les amateurs de Céline remarqueront le compte rendu des visites à Meudon, dans les premiers mois du livre. Il y a çà et là les surprises du hasard, comme cette apparition inattendue de Julio Cortázar dans une soirée alcoolisée, et des portraits énergiquement brossés (voir Colette avec "sa tête de vieux clown ébouriffé, au maquillage hideux de sorcière", ou Cohn-Bendit, sans le nommer, en "grotesque rouquin boudiné moulinant de ses bras courts").
"Comment faire, demandait d’Arribehaude à Leiris au sujet de ses premiers livres, pour rendre attrayante, attachante et drôle, une matière aussi épouvantablement ingrate ?" Il y parvient, explique-t-il plus loin, en trouvant "une espèce de ton". Vous avez bien fait, cher Jacques, de parler sur ce ton.
* * *
Je suis entré en contact avec Jacques d’Arribehaude pour des raisons assez peu littéraires, parce que je venais d’apprendre dans son journal qu’il était comme moi natif du 6 juin. Il s’en est suivi peu à peu, pendant ces mois d’hiver, une longue conversation, principalement par e-mails, dont je livrerai dans les jours qui suivent, avec son accord, quelques extraits qui pourront intéresser d’autres lecteurs.

Publicité
Publicité
Commentaires
Journal documentaire
Publicité
Journal documentaire
Archives
Publicité