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Journal documentaire
2 juin 2003

Brigitte Bardot. Un cri dans le silence (Editions

Brigitte Bardot. Un cri dans le silence (Editions du Rocher, 2003, 170 p). Je ne m’intéresse pas souvent aux vedettes ni à leurs livres, la réputation scandaleuse de celui-ci m’a rendu curieux et j’y ai trouvé à boire et à manger. Les trente chapitres sont numérotés alternativement en chiffres arabes et en romains (1, II, 3, IV…) formant ainsi deux séries en quelque sorte tressées. Les uns sont un autoportrait plutôt mélancolique de BB aujourd’hui: elle évoque, en parlant d’elle à la troisième personne, les moments successifs de ses journées, le souvenir de ses amis, sa vie avec les animaux qu’elle protège. On y apprend qu’elle entretenait une correspondance avec une autre écologiste, au tempérament différent, Marguerite Yourcenar. Dans les autres chapitres le ton est au pamphlet, madame Bardot critique divers aspects du monde moderne avec un incontestable tonus, à défaut de garder toujours son sang-froid. A mon goût sa syntaxe n’est pas assez stricte et elle cède trop souvent aux facilités de l’argot, mais son intention n’était pas de faire des entrechats littéraires. On trouve cependant des propos limpides, comme l’exposition de ce problème d’éthique : "Peut-être que si chaque personne devait tuer elle-même l’animal qui finira dans son assiette, le monde deviendrait végétarien."

Journaux de voyage, d’Albert Camus (Gallimard, 1978). Il s’agit d’un voyage aux Etats-Unis, de mars à mai 1946, et d’un autre en Amérique du Sud (Brésil, Uruguay, Argentine, Chili) de juin à août 1949. Les deux fois, il a la crève et ça ne va pas. Il se fait chier au Brésil, ce doit être pour ça qu’on ne parle jamais de son séjour là-bas. C’est intéressant et pas extraordinaire. La partie Brésil est pleine de fautes d’orthographe dans les noms propres et les mots portugais. L’établisseur et annotateur du texte, Roger Quilliot, semble largué. Dans une note à la page 121, il nous explique qu’une once est un "animal qui se rapproche du guépard et de la panthère", c’est-à-dire d’animaux qui n’existent pas en Amérique, alors qu’une onça, au Brésil, c’est tout simplement un jaguar. Mon passage préféré est le compte rendu, le 16 juillet 1949, d’une séance de macumba : "Il est 2 h du matin. La chaleur, la poussière et la fumée des cigares, l’odeur humaine, rendent l’air irrespirable. Je sors, chancelant moi-même, et enfin respire avec délice l’air frais. J’aime la nuit et le ciel, plus que les dieux des hommes."

En 1916, à l’occasion du troisième centenaire de la mort de Cervantes, l’homme de lettres péruvien Ventura García Calderón adressa aux écrivains français, dont certains étaient sur le front, le questionnaire suivant: "1) Avez-vous lu, dans votre jeunesse, le Don Quichotte? Quels sont vos souvenirs de cette lecture? 2) Quel est pour vous le symbolisme de Don Quichotte? 3) Le héros espagnol est-il aussi, en quelque sorte, un chevalier français?" Il en obtint près de soixante réponses, qui parurent en espagnol dans le journal madrilène El Imparcial. Un mois plus tard, le texte original des réponses fut publié en France, par le Centre d’Etudes Franco-Hispaniques de l’Université de Paris, dans un recueil d’une centaine de pages, intitulé Une enquête littéraire: Don Quichotte à Paris et dans les tranchées. J’ai eu l’occasion de feuilleter ce petit livre devenu introuvable, qui vaudrait peut-être la réédition. On me signale toutefois que les réponses de certains participants, comme Guillaume Apollinaire et Léon Bloy, figurent dans leurs œuvres complètes respectives.

François Julien-Labruyère. L’alambic de Charentes (Le Croît vif, 1989, 380 p). Le catalogue de l’éditeur, qui décrit l’ouvrage comme "l’histoire culturelle du pays charentais", pourrait induire en erreur un acheteur mal prévenu. Il s’agit en fait d’une dissertation, du reste fort savante, sur les mécanismes de l’érudition locale dans la région, principalement aux XIXe et XXe siècles. La lecture n’est pas de tout repos, car la rédaction marque une certaine propension au sinueux, voire au touffu, et comme en outre l’intitulé mystérieux des chapitres ne renseigne que de façon très oblique sur leur contenu, nous dirons que l’ouvrage s’adresse à ce que les libraires appellent pudiquement un "public motivé". Le trésor, le véritable régal se trouve en annexe, sous les espèces d’un copieux Index biographique, de plus de 80 pages bien tassées, qui recense des centaines de Charentais notables à un titre ou à un autre. Je l’ai siroté pendant des semaines, à petites gorgées vespérales. Mon grand plaisir aura été d’y trouver signalée l’existence, non des grands héros comme Samuel Champlain ou René Caillié, mais des innombrables personnages méconnus, riches ou pauvres, qui auront donné une belle part de leur temps à retaper des ruines, à inventorier des sites, à constituer des collections ou à rédiger des monographies. C’est un sujet de réconfort, et avouons-le de fierté. Quelle belle province, tout de même!

Marc-Edouard Nabe. Une lueur d’espoir (Monaco : Editions du Rocher, fin 2001, 152 p). Ce petit livre au ton alerte, égayé de jeux de mots bien trouvés, n’ennuie pas par le style. Mais les idées qu’il expose sur les attentats du 11 septembre me semblent consternantes. L’auteur a beau émettre habilement quelques réserves quant au terrorisme, il ne s’en déclare pas moins "totalement d’accord avec ceux qui nuisent au système pseudo-démocratique occidental" (p 65), soit avec "ceux qui ont donné leur vie pour la destruction de la connerie" (p 117), et qui sont donc probablement des modèles d’intelligence et de lucidité. Partant du principe commode que "la caractéristique des Américains est que tous les clichés qu’on colporte sur leur compte sont justes" (p 70), Nabe étale à longueur de pages les sophismes haineux les plus répandus. Haro sur les Américains, qui "ont fait énormément de mal" (p 67), contrairement aux non-Américains, qui n’en font pas, ou alors pas énormément. Et haro sur les Occidentaux en général, à qui "des milliards d’hommes ont des raisons supervalables d’en vouloir" (p 130), et qui n’ont eux-mêmes rien à se reprocher. L’on voit ainsi que cet ouvrage peut convenir à l’esprit étroit d’un large public. Nabe aurait pu faire plus fin.

Daniel Oster. Rangements. POL 2001. Un ouvrage dont le titre ne laisse pas supposer à quel point le contenu est bordélique. C’est un mélange inextricable de fragments de journaux et d’essais, de présent et de passé, de fiction et de réalité. Je n’aime pas cette salade. Ni les imprécisions : l’auteur estime tantôt avoir "lu environ 3 à 4000 livres", un peu plus loin "5 à 6000". Ni les outrances : de ce que la frontière entre autobiographie et fiction soit parfois floue, Oster se croit permis de déduire qu’ "il y a plus de fiction dans le journal d’Amiel ou de Bloy que dans Les trois mousquetaires", ce qui est tout de même pousser le bouchon un peu trop loin. Mais ce livre est immédiatement posthume, celui qui l’a composé se savait moribond, et l’on est touché de certains traits, telle cette déclaration : "Si je guéris, j’irai à la pêche à la ligne. Mais sans ligne. Je resterai assis et regarderai l’eau."

Georges Perec. L’infra-ordinaire. Seuil, 1989. Recueil posthume de textes tirés de l’observation de la vie quotidienne. Un listeur convaincu comme moi ne crachera certes pas sur les bons conseils de Perec ("Décrivez votre rue… Faites l’inventaire de vos poches…"). Mais une fois de plus je ne peux que constater l’écart entre l’ingéniosité des idées et la relative fadeur des productions qu’elles ont engendrées.

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